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Dans quel pays les salariés posent-ils le plus de jours d'arrêt maladie?

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Avec 16,6 jours d'absence en moyenne par salarié, la France se situe dans la fourchette haute en Europe. C'est dans les pays où les règles d'indemnisation sont les plus défavorables que l'absentéisme pour raison médicale est le plus faible.

L'arrêt maladie est-il un mal français? Selon une étude Ayming-TNS Sofres publiée il y a quelques semaines, les salariés français du secteur privé ont, en moyenne, été absents pour maladie 16,6 jours en 2015. Par rapport à 2014, cette tendance reste stable. Le taux d'absentéisme en France s'est établi en moyenne à 4,55% en 2015, selon le huitième baromètre du groupe de conseil Ayming, portant sur une base de 26.230 entreprises (plus de 960.000 salariés).

16,6 jours d'absence pour raison médicale, est-ce beaucoup? A titre de comparaison, dans la fonction publique territoriale, les arrêts maladie déposés en 2015, représentaient 25,8 jours par agent, selon une étude de Sofaxis

Mais la France, championne européenne de la protection sociale ne détient pas, en la matière, le record du monde. C'est du moins ce que nous avons pu constater en compilant différentes études réalisées au niveau national -il n'existe pas d'étude globale en Europe. Le titre de champion est détenu par l'Italie avec un nombre de jours d'arrêt maladie dans le privé qui a atteint 19 jours, en moyenne, en 2014. Et, particularisme italien, ce chiffre est moins élevé dans le secteur public (17,9 jours d'absence pour cause médicale, en moyenne).

Trois fois moins au Royaume-Uni qu'en France

Si la France et l'Italie affichent des performances presque équivalentes, on note néanmoins de fortes disparités dans les autres grands pays d'Europe.

Espagne : 10,7 jours (en 2015)

Allemagne : 15,2 jours (en 2015)

Italie : 19 jours dans le privé et 17,9 dans le public (en 2014)

Belgique: 14 jours (en 2011)

France : 16,6 jours (en 2015)

Royaume-Uni : 5,3 jours (en 2015)

De fortes disparités apparaissent aussi dans les évolutions ces dernières années. Ainsi malgré son économie florissante, l'Allemagne a vu le nombre de jours d'arrêt maladie posés par les salariés de ses entreprises privées exploser depuis trois ans: 11,8 en 2013, 14,4 en 2014 et 15,2 l'an passé. Alors que la France affiche un taux stable d'une année sur l'autre, du moins dans le privé. Et, en Italie, le taux a diminué depuis 2012 dans le privé mais a progressé dans le public.

L'impact de la générosité du régime d'indemnisation

Si ces comparaisons devraient logiquement traduire l'état de santé d'une population, dans les faits ce n'est pas vraiment le cas. Toutes les études sur le sujet aboutissent à la même conclusion: le régime d'indemnisation a une influence significative sur les absences justifiées par un certificat médical. "Le degré de générosité du régime d’indemnisation des arrêts maladie a un impact positif sur la probabilité d’absence au travail, notent les auteurs d'une étude de 2009 sur les absences au travail en Europe parue dans la revue Travail et Emploi. Et les auteurs de préciser: "L’absence est vue comme un moyen pour les salariés d’ajuster à la baisse leur nombre d’heures de travail, lorsque le temps de travail contractuel est supérieur au nombre d’heures souhaité."

Cette analyse est corroborée notamment dans les données britanniques. Avec 5,3 jours d'arrêt maladie en moyenne, les salariés du Royaume-Uni font clairement bande à part en Europe. Difficile d'imputer leur assiduité à une plus forte résistance aux maladies saisonnières. Car il se trouve qu'ils sont les moins bien lotis en ce qui concerne l'indemnisation des arrêts maladie. Ainsi, pour une semaine d'arrêt, les salariés britanniques perçoivent une indemnité de base correspondant à 9% de leur salaire, soit, en moyenne, 36 livres (43 euros).

Si leur absence dure un mois, cette somme passe, toujours en moyenne, à 305 livres (362 euros). Il s'agit néanmoins du minimum imposé par la législation britannique, mais les entreprises offrent généralement des compléments de rémunération à leurs salariés absents pour raison médicale. 

Allemands, Belges et Suisses sont bien traités

Si la Grande-Bretagne est la moins généreuse, les pays qui rémunèrent le plus leur travailleurs en cas d'arrêt maladie sont, selon une étude de Vouchercloud, la Suisse, la Belgique, la Norvège, l'Autriche et l'Allemagne. Dans ces pays, un salarié arrêté par son médecin voit sa rémunération totalement maintenue durant au moins un mois.

La France, avec 20% du salaire versé par la sécurité sociale pour une semaine d'arrêt, n'est pas particulièrement généreuse. Mais il s'agit là de la protection de base assurée par le régime général. Dans les faits, les grandes entreprises se montrent bien plus généreuses. Seul un salarié sur trois ne touche que le minimum versé par la Sécu.

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Mais le niveau de rémunération n'est pas la seule variable. Selon l'étude de Travail et Emploi, doivent aussi être pris en compte l'obligation de fournir un certificat médical dès le premier jour et les éventuelles périodes de carence. Et ce délai durant laquelle le salarié n'est pas rémunéré a un impact très important sur l'absence au travail, comme le constate les auteurs de l'étude. "Dans les pays où les indemnités sont versées dès le premier jour de maladie, la probabilité d’absence, pour raisons de santé ou non, est en moyenne de 9 points plus élevée pour les hommes et de 12 points plus élevée pour les femmes".

Public/privé, qui subit les jours de carence?

Dans les pays où le principe du délai de carence a été retenu, sa durée est généralement de 3 jours. C'est notamment le cas en France pour le secteur privé. Dans la fonction publique en revanche, il n'y aucun jour de carence. Ce qui a un impact significatif sur l'absentéisme, selon le baromètre Sofaxis. Ainsi en 2012, après l'établissement d'un jour de carence dans la fonction publique, les arrêts de courte durée (un jour) ont chuté dès la première année: -40% dans la fonction publique hospitalière et -43% dans la territoriale. Puis, le 1er janvier 2014, ce jour de carence a été supprimé et la conséquence a été immédiate: le nombre d'arrêts maladie de courte durée est passé, pour 100 fonctionnaires, de 48 à 54 en une seule année.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco