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Mario Draghi perdant à tous les coups?

Mario Draghi est dans une situation assez peu confortable

Mario Draghi est dans une situation assez peu confortable - Emmanuel Dunand - AFP

Le président de la Banque centrale européenne a encore affirmé lundi que l'institution "n'hésiterait pas à agir" lors de sa prochaine réunion en mars. Mais la BCE est désormais dans une situation très délicate.

Jusque là, l'équation avait le mérite d'être simple. Les marchés s'inquiétaient pour la zone euro, et Mario Draghi les rassurait en promettant des mesures toujours plus fortes de la part de la Banque centrale européenne.

Une communication d'autant plus efficace que l'Italien a toujours tenu parole. Mais désormais, affirmer cette bonne volonté ne suffit plus. Mardi, le président de la BCE a encore assuré que son institution "n'hésiterait pas à agir" lors de sa prochaine réunion si elle voyait que la stabilité des prix était remise en cause. Sauf qu'en dégainant un peu plus en mars, la banque centrale risque bien d'être perdante à tous les coups.

Mario Draghi "est dans une position très inconfortable où il risque de faire de toute manière des déçus", expliquait jeudi dernier Christopher Dembik à BFMbusiness.com.

Avec la faiblesse actuelle de l'inflation, bien éloignée des 2% que vise la BCE (elle n'était que de 0,4% en janvier), l'institution va de l'avis de tous ou presque faire baisser encore davantage son taux de dépôt, déjà négatif (-0,30%).

"Une situation inconfortable"

Une mesure qui a pour effet d'inciter les banques à prêter et qui tire vers le bas l'euro. Ce qui théoriquement aide à faire repartir l'activité et donc l'inflation. Le problème est que ces taux négatifs fragilisent aussi les banques car, pour faire simple, ils compriment leur marge.

Frédéric Oudéa, le directeur général de Société Générale, expliquait d'ailleurs la jeudi 11 février sur BFM Business que "les taux bas voire négatifs" créaient des interrogations sur la rentabilité des banques. Or justement, les doutes sur l'état de santé des banques européennes secouent les marchés depuis plusieurs semaines.

Du coup la BCE se retrouve dans une situation où elle ne peut gagner. "Sur le taux de dépôt, la BCE s'est elle-même mise dans une situation inconfortable car rien ne l'obligeait à favoriser cet outil initialement", explique Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet. "Si elle ne baisse pas assez le taux de dépôt, les marchés pourraient être déçus et l'euro pourrait s'apprécier; si elle le baisse trop, cela pourrait amplifier les craintes pesant sur les banques, et fragiliser le secteur", ajoute-t-il. Et de conclure: "Il s'agit maintenant de limiter la casse sur ce point (pour le secteur bancaire)"

Thibaud Mercier, économiste chez BNP Paribas tient un avis différent. "Ce qui pèse sur la rentabilité des banques c’est le manque de croissance en zone euro plus que les taux qui n'en sont que la conséquence", affirme-t-il. "Quand la BCE prend des mesures de nature à soutenir l’économie cela ne peut être que bénéfique", complète-t-il.

Bulle ou pas bulle?

Dans tous les cas, la BCE va devoir s'appliquer à rassurer sur son action, parfois critiquée. En mars, elle devrait aussi annoncer un renforcement de ses rachats de titres sur les marchés, son fameux quantitative easing (QE). Or, des voix se sont élevées pour souligner les risques que présente cette action, parfois appelée bazooka.

Mais contrairement aux taux, la Banque centrale n'est pas encore dans une situation trop délicate sur ce sujet. "Les risques liés aux politiques non-conventionnelles existent, mais du point de vue de la BCE ils passent au second plan, car le risque de ne pas respecter son mandat est plus important", considère Frederik Ducrozet.

"Les marchés peuvent s'inquiéter des aspects inefficaces voire contre-productifs de certaines mesures de la BCE, mais le risque de bulle me semble sur-estimé", insiste-t-il. À ce titre, Benoît Coeuré, l'un des membres du directoire de la Banque centrale européenne affirmait encore la semaine dernière qu'"il n'y avait pas de bulle en zone euro".

Ce qui n'est clairement pas l'avis du chef des études économiques de Natixis, Patrick Artus, qui affirmait le 8 février dernier sur BFM Business que la BCE "comme les autres (banquiers centraux ndlr) font la bulle obligataire (...) ce qui est profondément malsain".