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La France vit-elle vraiment à crédit depuis le 10 novembre?

Le France est-elle vraiment à sec dès ce mardi?

Le France est-elle vraiment à sec dès ce mardi? - Images of Money - Flickr - CC

L'institut économique Molinari s'est amusé à calculer le nombre de jours où les recettes de chaque pays européen ne couvrent pas leurs dépenses, via un simple calcul. Evidemment le résultat n'est pas très flatteur pour l'Hexagone puisque la France serait à sec depuis mardi 10 novembre.

L'économie est parfois une question de forme. Et l'institut économique bruxellois Molinari l'a bien compris. Ce think tank libéral a ainsi décidé de présenter de façon frappante le déficit de chaque pays européen, en déterminant pour chacun d'entre eux le jour où il commence à vivre à crédit, dans une étude publiée dimanche 8 octobre 2015.

Le procédé très simple: l'institut a tout simplement divisé les recettes par les dépenses de chaque pays, puis les a multiplié par 365. Il obtient ainsi un nombre de jours de dépenses couverts. Il garde ce nombre, puis le retranche à 365 pour arriver aux nombre de jours où un pays vit à crédit. 

Comme ils l'expliquent eux-mêmes, les auteurs de l'étude se sont inspirés de ce que font les comptables dans les entreprises pour déterminer le besoin de financement (BFR, besoin en fonds de roulement).

Résultat: la France est arrivée à sec lundi 9 novembre à 23h59, et commencerait donc à emprunter depuis mardi 10 novembre. Autrement dit, il manque cette année 52 jours de recettes fiscales pour couvrir les dépenses publique de la France. Si l'on se base sur l'ensemble des résultats de l'étude, l'Hexagone n'a pas de quoi être fier. La moyenne dans l'Union européenne est de 37 jours.

Evidemment il y a pire que la situation française. Mais pas tant que cela en fait: seuls Chypre (81 jours), le Portugal (73 jours), la Bulgarie (69 jours), la Croatie (66 jours), l'Espagne (62 jours) et la Slovénie (58 jours) font moins bien. La Suède (16 jours) les Pays Bas (15 jours) et le Luxembourg (5 jours) arrivent quasiment à se financer sur l'ensemble de l'année. L'Allemagne et le Danemark ont, eux, un tel excédent budgétaire qu'ils pourraient tenir jusqu'à la mi-janvier 2016 sans engranger la moindre recette. 

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Histoire de souligner un peu plus les faiblesses de l'Hexagone, l'étude de l'institut montre dans un graphe assez parlant que la France a tendance à déraper depuis 1978, le nombre de jours où les ressources ne couvrent pas les dépenses ayant augmenté fortement sur l'ensemble de l'année.

L'étude explique également qu'à tous les niveaux (Etat, collectivité locales, Sécu) la France se situe en queue de peloton européen. Et les auteurs d'insister sur le fait que tous ces déficits ont persisté "en dépit d'une augmentation significative des recettes publiques". 

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Voilà pour les conclusions de l'étude. Maintenant il convient de prendre un certain recul par rapport à cette étude qui, selon l'institut lui-même "a vocation à éclairer les enjeux pour les citoyens, dans un domaine particulièrement difficile pour un non spécialiste". Car derrière cet objectif avant tout pédagogique, il faut souligner que l'exercice reste très théorique.

"Cette présentation n'a pas grand intérêt. On sait que la France a un important déficit, et cette façon de le montrer n'apporte aucune information supplémentaire. C'est avant tout du marketing fiscal", souligne ainsi Christophe Blot, économiste à l'OFCE.

De même, affirmer que la France vit à crédit à compter de ce lundi soir reste une vue de l'esprit. "La France emprunte régulièrement avec des émissions de dette orchestrées par le Trésor, à différentes échéances, il est donc conceptuellement faux de donner un jour précis", ajoute Christophe Blot.

De plus, l'étude de l'institut Molinari suppose que les recettes soient régulièrement collectées. Or, Christophe Blot explique que si les levées dettes sont régulières, les recettes, elles, sont prélevées irrégulièrement. "Si on agrège les données fiscales et budgétaires, il peut très bien y avoir des pic de recettes", explique ainsi l'économiste.

Des limites dont est tout à fait conscient Nicolas Marques l'un des auteurs de l'étude qui évoque "une image en matière de finances publiques pour mieux faire saisir les enjeux au citoyens".