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La menace terroriste nuit-elle à la croissance économique?

Une manifestation lors des attentats de Madrid en 2004 (image d'illustration).

Une manifestation lors des attentats de Madrid en 2004 (image d'illustration). - Patrick Bernard - AFP

Si chaque situation est singulière, les précédentes attaques terroristes ayant touché d'autres pays d'Europe (Espagne, Irlande ou Royaume-Uni) permettent de tirer quelques enseignements. L'investissement a notamment tendance à reculer alors que la consommation est dopée.

Quelles seront les répercussions économiques des attentats du 13 novembre? Sachant qu’ils marquent très probablement l’entrée de la France dans une période d’insécurité intérieure durable, ils peuvent dans une certaine mesure être comparés aux campagnes de terreur menées par la Fraction Armée rouge en Allemagne, les Brigades rouges en Italie, l’ETA en Espagne, l’IRA en Irlande du Nord, voire le conflit israélo-palestinien.

Or de nombreux travaux ont été menés pour étudier l’impact de ces actes terroristes sur l’économie, au FMI, à l’OCDE, et dans de nombreuses universités, notamment celle de Zurich, sous la houlette de Bruno Frey.

L'investissement et la construction impactées

Quelles sont les grandes conclusions à retenir, au moins pour les semaines et les mois qui vont suivre les attaques de Paris par Daesh? Sans surprise, le terrorisme a un impact négatif sur la Bourse. Ainsi, lorsque la trêve décrétée par l’ETA au Pays basque est entrée en vigueur en septembre 1998, les actions des entreprises principalement actives dans cette communauté autonome de près de 2,2 millions d'habitants ont affiché de meilleures performances que les autres entreprises espagnoles. Alors que dès la fin de la trêve en novembre 1999, la situation s'est inversée.

L'impact est également négatif sur le tourisme. D’après une étude portant sur la période 1970-1988, qui a connu en moyenne 13 attentats terroristes par an au pays basque, chaque attentat aura dissuadé en moyenne plus de 140.000 touristes de visiter le pays.

Plus important: le climat d’insécurité généré par le terrorisme modifie la façon dont les ménages et les entreprises allouent leurs ressources, c'est-à-dire l’arbitrage entre l’épargne, la consommation et l’investissement, en faveur du court terme et au détriment du long terme.

Lors de la première Intifada de 1987, la consommation, en Israël, avait augmenté et le taux d’épargne diminué. L’apaisement complet du conflit se traduirait par un recul de quelque 5 à 7% de la consommation et par un doublement du taux d’épargne des consommateurs israélien.

L’investissement en revanche est impacté négativement. Or il se trouve que le dernier ingrédient qui manquait encore à la reprise de l’activité en France, c’est un niveau de confiance suffisant des chefs d’entreprise pour sortir leurs projets des cartons.

Ne pas trop alourdir la régulation

Les expériences passées montrent aussi que dans ce type de période, le secteur de l’immobilier et de la construction souffrent particulièrement.

Au-delà, les chercheurs de l’Université de Zurich ont cherché à matérialiser le coût de la peur du deuil et de la douleur: dans une étude appliquée à la France, à l’Irlande et au Royaume-Uni sur la période 1973–1998, ils ont calculé la part de revenu à laquelle renoncerait une personne résidant dans une région frappée par le terrorisme par rapport à une autre vivant dans un lieu connaissant la paix. Verdict : 14% du revenu annuel à Paris pour une personne moyenne, 32% à Londres et 41% en Irlande du Nord.

Enfin, la plupart des travaux montrent l’importance d’un bon dosage de l’action publique: oui bien sûr tout doit être entrepris pour enrayer le terrorisme, mais attention à ne pas étouffer l’économie sous le poids d’une réglementation excessive mise en place au nom de la lutte antiterroriste.