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Economie

La mondialisation est-elle sur le déclin?

Les échanges mondiaux ralentissent depuis la crise

Les échanges mondiaux ralentissent depuis la crise - Joel Saget - AFP

Les mesures protectionnistes se sont multipliées ces derniers mois, au point d'en inquiéter l'OMC, et le commerce mondial ralentit. Est-ce le signe d'une nouvelle ère pour la mondialisation?

Décriée par certains, louée par d'autres, la mondialisation a rythmé l'économie mondiale depuis l'après-guerre. Aujourd'hui, les échanges mondiaux de biens et services représentent près de 19.000 milliards de dollars, soit 1.000 milliards de plus que le PIB des États-Unis. En 1950, ces échanges ne pesaient que 62 milliards de dollars.

Néanmoins des vents contraires semblent désormais souffler. En cause notamment: contexte politique notamment. Aux États-Unis, la montée en puissance du candidat républicain Donald Trump, qui a menacé de sortir les États-Unis de l'OMC, l'Organisation mondiale du Commerce, en est un parfait exemple. Le Brexit et les difficultés que rencontrent les négociations du traité transatlantique de libre-échange sont d'autres illustrations.

Cri d'alarme de l'OMC

Fin juillet, Business Insider est même allé jusqu'à affirmer que la mondialisation est en train "de mourir à petit feu". Le site américain rebondissait alors sur une étude publiée par l'OMC.

Le 25 juillet, l'institution avait, en effet, publié son rapport semi-annuel. Elle révélait alors qu'entre octobre 2015 et mai 2016, les pays membres de l'OMC avaient mis en place 154 nouvelles mesures anti libre-échange, soit 22 par mois. Son directeur général, Roberto Azevedeo s'alarmait et évoquait alors "une hausse inquiétante, avec la plus forte moyenne mensuelle depuis 2011". L'OMC appelait les pays à "résister au protectionnisme" et à "échanger à nouveau".

Une tendance pas nouvelle

Faut-il réellement s'alarmer de cette tendance, et penser que la mondialisation est sur le déclin? Pas forcément. L'OMC ne dit pas quel volume des échanges mondiaux est concerné par ces nouvelles mesures. En fait, il a de bonne chance d'être assez faible. Dans une étude publiée fin de l'année dernière, Sébastien Jean, économiste au CEPII, le centre de recherche sur l'économie mondiale, soulignait que 600 mesures pouvant être considérées comme restrictives avaient été prises chaque année entre 2008 et 2014. "Cependant, selon l’OMC, parmi ces mesures protectionnistes, celles en vigueur en 2014 couvraient moins de 4 % des importations mondiales", écrivait-il. 

Une chose est néanmoins sûre: le commerce mondial croît de moins vite. Entre 1995 et 2008, les échanges mondiaux de biens et services ont, en moyenne, progressé de 6,9%. Depuis 2010, leur croissance n'a plus dépassé les 3%. L'OMC table d'ailleurs sur 2,8% pour les seules marchandises pour 2016.

Et ces chiffres ne semblent pas inquiéter tant que cela l'organisation. "La récente période de lente croissance du commerce est inhabituelle mais pas sans précédent, et son importance ne doit ainsi pas être exagérée. La croissance du volume du commerce mondial était en fait plus faible entre 1980 et 1985, avec cinq années sur six sous les 3%, dont deux années de net recul", écrivait-elle fin juillet.

Le protectionnisme pas fautif

De plus, le ralentissement du commerce mondial observé ces dernières années n'est pas dû à la montée du protectionnisme. Aussi bien le FMI que le CEPII (l'étude citée plus haut) se sont posés la question l'an dernier dans deux études différentes, pour arriver à cette conclusion. "Notre étude suggère que les politiques protectionnistes ont joué un rôle négligeable (si tant été qu'il y en ait eu un) dans le ralentissement du commerce", écrivait ainsi les économistes du FMI en janvier 2015.

Pourtant les échanges mondiaux sont bien en pertes de vitesse. Mais pour d'autres raisons. Tout d'abord parce que la croissance mondiale est elle-même un peu plus faible depuis la crise. Entre 2012 et 2014 elle était aux alentours de 2,5%, contre plus de 3% sur la période 1995-2008, relève le CEPII. Mais cela n'explique tout. Une autre cause, identifiée aussi bien par le FMI que le CEPII, est l'essoufflement du "fractionnement international de la chaîne de valeur". Traduction: les entreprises ne délocalisent plus autant aux quatre coins du monde les différents leurs ateliers.

Division internationale

En effet, un seul bien vendu au consommateur a pu donner lieu à des dizaines d"échanges mondiaux. Les différents composants d'un iPhone, par exemple, proviennent de nombreux pays (États-Unis, Corée, Allemagne, Suisse…) même si le téléphone est avant tout assemblé en Chine.

Si les entreprises des pays développés ont eu tendance à séparer de plus en plus les différentes étapes de la chaîne de production, le phénomène marque désormais le pas. Le FMI note ainsi que les importations de produits manufacturés se sont stabilisés aux États-Unis depuis les années 2000, après avoir doublé sur la quinzaine d'années précédente. En Chine, elles ont même diminué.

L'économiste de CEPII Sébastien Jean donnait plusieurs éléments d'explication dans son étude. "Les gains liés à l’extension internationale des chaînes de production tendent à s’amenuiser au fur et à mesure de l'avancée du processus: les arbitrages les plus profitables ont déjà été effectués, les moteurs de ce mouvement (baisse des coûts de transports et de coordination distante) sont sujets à des rendements décroissants", développait-il. De plus, le chercheur indiquait que les récentes catastrophes ont pu inciter les entreprises à ne pas délocaliser davantage. "Le tremblement de terre au Japon en 2011 ou les inondations en Thaïlande au cours de la même année ont ainsi perturbé l'activité d'usines parfois situées à l'autre bout du monde, en particulier dans l'industrie électronique", écrivait-il.