BFM Business
Economie

Le gouvernement peut-il vraiment réussir à relancer l'investissement?

L'investissement des entreprises est actuellement au plus bas (image d'illustration).

L'investissement des entreprises est actuellement au plus bas (image d'illustration). - Gaika Iroz - AFP

La mesure exceptionnelle annoncée la semaine dernière par le gouvernement divise les économistes. Tous s'accordent néanmoins à souligner ses limites.

"Un levier essentiel pour accélérer la reprise", c'est ainsi que Manuel Valls qualifie l'investissement. Malheureusement c'est également le parent pauvre de l'économie. L'an passé, l'investissement global a ainsi grevé la croissance de 0,3% en France quand il a en ajouté 0,2% à l'ensemble des pays de la zone euro. C'est ce qu'explique l'économiste de BNP Paribas Hélène Baudchon, dans une note publiée le 1er avril dernier.

Pour y remédier, et transformer l'amorce de reprise économique en véritable embellie, le gouvernement a annoncé la semaine dernière un "avantage fiscal exceptionnel", censée inciter les entreprises à s'équiper. Il s'agit de leur permettre de déduire de leur bénéfice imposable 140% du montant d'un investissement industriel, contre 100% à l'heure actuelle.

Concrètement cette mesure permet à une société de réduire son impôt de 12% au taux normal de l'IS (impôt sur les sociétés). Et Manuel Valls l'a assuré: ce dispositif permettra "d'accélérer la conquête de parts de marché et donc la création d'emplois".

Le doute est toutefois permis. Pour le moment, seul le Coe-Rexecode, un think tank libéral, s'est risqué à une évaluation, publiée mardi dernier. Résultat: une hausse de 0,2% par an de l'investissement entre 2016 et 2020. Ce qui a fait dire à son dire son directeur général Denis Ferrand sur BFM Business, qu'il s'agit d'une mesure "cosmétique" dont il ne faut pas "attendre monts et merveilles".

Une "mesure alléchante" mais....

Dans une note publiée le 14 avril dernier, Jessica Hinds, économiste de Capital Economics se montre un peu moins sévère. "Le gouvernement a raison de s'attaquer à l'élément le plus faible de la reprise économique française", considère-t-elle, soulignant d'ailleurs que "les investissements en machine et en équipements ont tendance à avoir un lien plus étroit avec la croissance que les autres".

Néanmoins, elle reste "sceptique". Cette mesure "paraît alléchante mais elle ne s'appliquera qu'aux entreprises bénéficiaires". Or "la profitabilité des entreprises françaises est faible au regard de l'ensemble de la zone euro, ce qui suggère que beaucoup d'entreprises n'en profiteront pas", poursuit-elle.

Un dispositif "bien fléché"

Tous les économistes ne sont pas aussi dubitatifs. "La mesure est bonne car elle arrive au bon moment, avec la chute des prix du pétrole et des conditions de financement exceptionnelles" relève ainsi Jean-Louis Mourier, d'Aurel BGC. Même si, ajoute-t-il, "la mesure à elle seule aurait peu ou pas d'effet",

Mathieu Plane de l'OFCE considère pour sa part que le dispositif va "dans le bon sens car il est bien fléché" et "permettra d'alléger la trésorerie des entreprises bénéficiaires". Toutefois il a un point faible, selon lui: son montant. "On est sur un rythme de croisière de 500 millions d'euros par an (2,5 milliards sur cinq ans), c'est peu quand on pense au 41 milliards d'euros du pacte de responsabilité", souligne Mathieu Plane. 

Ce qui n'est pas l'avis du directeur de l'institut Montaigne, Laurent Bigorgne: "Cette mesure est bienvenue et n’est pas négligeable au regard de son montant (2,5 milliards d’euros). On ne peut que formuler un certain nombre de critiques techniques. L’amortissement aurait ainsi pu être accéléré, c’est-à-dire une déduction fiscale sur une année, et il est possible que des effets d’aubaine se créent".

"Toutefois si l’on veut redresser l’investissement des entreprises de manière structurelle, il faut une baisse durable et crédible de la dépense publique", souligne-t-il. "Et il faut assurer aux entreprises qu’il n’y aura pas de fiscalité punitive sur l’investissement, aux investisseurs sur les revenus du capital, aux consommateurs sur leur travail".