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Les Papous champions du monde de la croissance

La Papouasie Nouvelle-Guinée devrait afficher une croissance proche des 10% pour 2015 (image d'illustration)

La Papouasie Nouvelle-Guinée devrait afficher une croissance proche des 10% pour 2015 (image d'illustration) - Christopher Michel - Flickr - CC

La Papouasie Nouvelle-Guinée devrait être le pays à afficher la croissance la plus élevée pour 2015, avec un taux proche des 10%. Mais l'archipel aux 7,5 millions d'habitants a toute les chances de ne pas conserver cette médaille cette année.

L'année 2015 a rebattu les cartes de la croissance mondiale. Avec la chute du pétrole, l'essoufflement de la Chine et la dégringolade des cours des matières premières, nombreux sont les pays à avoir vu leur croissance plonger.

Le Brésil, qui progressait encore de presque 4% en 2011 se dirige désormais vers une récession de -3% au bas mot. Dans ce contexte de craintes très vives sur la croissance mondiale, certains pays arrivent quand même à tirer leur épingle du jeu, comme nous l'évoquions dans un précédent article. Mais lequel d'entre eux affiche la croissance la plus élevée?

Réponse: la Papouasie Nouvelle-Guinée, cet archipel au nord de l'Australie, qui compte 7,5 millions d'habitants selon la Banque mondiale, soit un peu moins qu'en Suisse ou la Bulgarie.

Un titre éphémère

Ce petit État autrefois colonisé par l'Allemagne et l'Angleterre devrait en effet afficher une croissance à deux chiffres ou presque. La Coface, un assureur-crédit, table sur 12,3% pour 2015, le chiffre n'ayant pas encore été annoncé. Le gouvernement anticipe lui un taux de 9,9% et le FMI, moins optimiste, prévoit 9%, comme le relève le groupe de conseil Oxford Business Group.

Même dans ce dernier cas de figure, les Papous feraient mieux que n'importe quelle autre population au monde. Mieux que le Turkménistan et l'Éthiopie, les deux pays susceptibles de briguer le podium, qui devraient annoncer des croissances autour des 7-8% pour 2015, d'après le FMI.

Si la Papouasie Nouvelle-Guinée devrait donc remporter haut la main le titre de championne du monde de la croissance pour 2015, ce prix d'excellence va être très éphémère. Car plusieurs nuances doivent être apportées à cette bonne performance.

Effet de base

L'État insulaire a beau afficher une croissance que beaucoup pourraient lui envier, ce bon chiffre ne montre pas franchement que l'économie locale progresse à la vitesse grand V.

En fait, les données sont tronquées par un gros effet de base. Comme l'explique la Coface, 2015 a ainsi été la première année où le major pétrolier ExxonMobil a pu exploiter totalement son projet de production de gaz naturel liquéfié dans le pays. Le groupe américain avait débuté cette exploitation dès avril 2014, ce qui avait déjà tiré vers le haut la croissance du pays il y a deux ans (+8,5%). 6,9 millions de tonnes de gaz doivent être produites chaque années.

Dans une étude réalisée en 2009 à la demande du major pétrolier, la société de consulting ACIL Tasman, estimait même que sur le court terme (moins de cinq ans) la Papouasie pourrait voir son PIB presque multiplier par deux grâce à cette exploitation de gaz naturel liquéfié.

Les doutes sont désormais largement permis. Dans un rapport consacré au pays et publié en novembre dernier, le FMI soulignait que le développement des gaz de schiste dans le monde, et, plus prosaïquement, de nouvelles exploitations de gaz naturel liquéfié en Australie risquaient de mettre une forte pression sur les prix.

Des problèmes structurels

De plus, la Papouasie Nouvelle-Guinée souffre sur d'autres secteurs. Traditionnellement, l'une des grandes forces de l'archipel sont ses ressources naturelles abondantes (cuivre, or, nickel, cobalt, bois, café, cacao, huile de palme, pétrole…) qui ont notamment permis d'attirer les investisseurs étrangers. Mais avec le ralentissement de la Chine, grand consommateur de différentes denrées, les cours des matières premières ont, comme dit auparavant, dégringolé.

Dans le cas de la Papouasie Nouvelle-Guinée cela s'est traduit par une activité moindre sur le secteur minier, et des recettes fiscales en berne pour le gouvernement qui a ainsi eu moins de levier pour stimuler la croissance, comme l'explique Oxford Business Group. Les recettes provenant des taxes minières et énergétiques ont notamment été divisées par plus de cinq.

À cela s'ajoute la chute de la kina, la monnaie locale, qui a perdu plus de 18% sur un an face au dollar. Ce qui a renchéri les importations dont le pays est "fortement tributaire", notait le FMI en novembre dernier.

Enfin, le pays doit toujours faire face à ses problèmes structurels. Ses infrastructures sont de piètre qualité, le taux d'alphabétisation dépasse à peine les 63%, ce qui classe le pays au 192ème rang mondial (sur 215). En conséquence, la main d'œuvre qualifiée est rare. Par ailleurs les Papous restent pauvres: 39% de la population vivait encore avec moins de 1,90 dollar par jour en 2009 (contre, certes, 53,2% en 1996), contre 11% en Chine, ou même 31% en Inde. Et 85% des habitants de l'archipel vivent dans les campagnes en pratiquant une agriculture de subsistance, souligne le quai d'Orsay.

Tout ceci fait qu'au final la croissance en Papouasie Nouvelle-Guinée va retomber en 2016. Le gouvernement mise sur 4,3% pour cette année et le FMI sur 3,1%. Un chiffre qui devrait se stabiliser puisque le fonds considère dans ses projections qu'il devrait être grosso modo de cet acabit pour l'ensemble de la période 2017-2020.