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Economie

Les ventes de slips sont-elles un bon indicateur économique?

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- - Le Slip Français (Montage BFM Business)

"Inventé par l'ancien directeur de la Fed Alan Greenspan, l'indice des ventes de sous-vêtements masculins permettrait d'anticiper les évolutions macro-économiques. Mais est-ce que cela fonctionne vraiment?"

Prix du pétrole, indice ISM manufacturier ou encore moral des ménages... Voilà les thermomètres habituels scrutés par les économistes qui veulent juger de l'état de santé d'une économie. Mais il existe des indices moins conventionnels comme les ventes d'emballages (censées refléter les carnets de commandes des entreprises), la fréquentation des restaurants, des salons de coiffure ou encore, plus étonnant, les ventes de sous-vêtements masculins. 

Et cet indice qui peut paraître farfelu ne l'était apparemment pas pour Alan Greenspan. L'ancien gouverneur de la Réserve fédérale américaine était amateur de ce type de données populaires pour prendre le pouls de l'économie. Et Greenspan en avait fait l'un de ses indicateurs favoris dans les années 70 lorsqu'il dirigeait le Council of Economic Advisers chargé de conseiller le président Nixon sur ses politiques économiques. Depuis, cet indice a même un nom (le "men's underwear index") et une page Wikipedia

Des concordances étonnantes

Mais pourquoi les sous-vêtements? Et masculins qui plus est? Tout simplement parce que l'achat de ce type de pièces textiles serait une nécessité flexible. Autrement dit, Greenspan estimait que l'homme contrairement à la femme considérait que l'achat de sous-vêtements était secondaire et coûteux. Il allait donc faire l'impasse et garder plus longtemps ses vieux slips si ses conditions économiques se détériorent. Mais a contrario il aura tendance à investir s'il a l'impression que sa situation s'améliore. Et comme il y a une importante part de psychologie dans l'économie, l'achat de caleçons serait un signe de bonnes dispositions à consommer et donc, à terme, de relance économique. Les ventes de caleçons masculins joueraient donc le rôle des canaris dans les mines de charbon.

Mais cet indice est-il pertinent et efficace? Prenons le cas de la France par exemple. Les ventes de sous-vêtements ont chuté en supermarché de 2,4% en 2014 et de 1% en 2015 à 266 millions d'euros. Si la croissance française était positive sur ces deux années, elle a effectivement été meilleure en 2015 (+1,1%) qu'en 2014 (+0,4%). Plus étonnant, les ventes de sous-vêtements masculins étaient en forte croissance jusqu'en 2012 avant de connaître un frein brutal. Tout comme la croissance du pays qui stagne depuis 4 ans... 

Mais les habitudes de consommation faussent l'indice

Faut-il en conclure que le sous-vêtement est un indice fiable? C'est aller un peu vite en besogne. D'abord parce que les récessions ont un impact sur tous les types de vêtements, pas seulement sur les caleçons masculins. Ensuite parce que les habitudes de consommation des hommes ont changé depuis les années 70. S'il y a 40 ans, les consommateurs masculins achetaient leurs sous-vêtements par nécessité, aujourd'hui l'offre est beaucoup plus large et segmentée. Les hommes sont ainsi plus sensibles aux grandes marques (Calvin Klein), au style (en témoigne le succès de la marque Le Slip Français) ou au prix. Les consommateurs pourront craquer pour un lot de boxers vendus 10 euros chez H&M quand de telles offres n'existaient pas dans les années 70. Autant de facteurs susceptibles de fausser cet indice sous-vêtement. Les économistes devront donc se contenter de scruter prix du pétrole, indice ISM manufacturier ou encore moral des ménages...

Frédéric Bianchi