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Pourquoi la croissance française résiste à la crise chinoise

Les marchés chinois se sont effondrés de plus de 30% en quelques mois

Les marchés chinois se sont effondrés de plus de 30% en quelques mois - Kazuhiro Nogi - AFP

L'Insee a révisé ce jeudi 1er octobre sa prévision de croissance pour l'ensemble de l'année 2015, l'abaissant très légèrement à 1,1%. Mais globalement, l'économie tricolore encaisse sans problème la baisse de régime dans les pays émergents.

C'était la grande crainte de la fin de l'été: que la crise financière liée au ralentissement de l'économie chinoise mette à mal une croissance tricolore qui sort tout juste de l'apathie. D'autant que les autres pays émergents sont touchés. Le Brésil devrait basculer dans le rouge (-1,5% cette année d'après le FMI) et la Russie va connaître une sévère récession (-3,4%, toujours selon le FMI).

Pas de quoi pourtant faire trembler l'économie française? Interrogé sur France 2 jeudi 1er octobre dans la matinée, le ministre des Finances Michel Sapin a balayé cette hypothèse d'un revers de la main. "Ma réponse est non, il n'y aura pas de conséquences particulières ou graves pour la croissance française ou la croissance européenne", a-t-il assuré.

La "mauvaise surprise"

Hasard du calendrier, le même jour, l'Insee publie une mise à jour de sa prévision de croissance. Et l'institut de conjoncture partage l'avis de Michel Sapin. Certes, l'Insee a légèrement revu à la baisse son estimation qui passe à 1,1% contre 1,2% en juin dernier. Mais ce moins bon chiffre est en fait essentiellement dû à la statistique surprise du deuxième trimestre, lorsque la croissance française a calé (0%) alors que l'Insee attendait 0,2%.

"Cette baisse de 0,1 point repose essentiellement sur la déception surprise du deuxième trimestre et est en petite partie due à la prévision en baisse du troisième trimestre (l'Insee l'a révisé de +0,3% à +0,2%, ndlr)", confirme Vladimir Passeron chef du département de la Conjoncture à l'Insee.

"L'économie française va gagner des parts de marché"

Le ralentissement de la Chine et des autres pays émergents se fait pourtant clairement sentir au niveau du commerce mondial qui s'est contracté lors de deux trimestres consécutifs (-1,4% au premier trimestre, -0,3% au deuxième). "C'est assez inhabituel", commente Dorian Roucher, chef de la division Synthèse conjoncturelle. A vrai dire, cela ne s'était plus produit depuis 2009. Autre signe: les importations chinoises sont attendues en baisse de 3,8% pour 2015, ce qui constituerait une première depuis 20 ans! Et pèserait inévitablement sur la demande mondiale…

Sauf que la perte de vitesse des émergents ne mine pas la vitalité de l'économie tricolore. Au contraire, l'Hexagone devrait voir ses exportations progresser de 6,5% cette année. "Ce qui veut dire que l'économie française va gagner des parts de marché", souligne Dorian Roucher.

En fait, la France fait fi du manque de rythme de ces anciennes locomotives que sont les pays émergents. Si l'on regarde la contribution des pays émergents dans les exportations françaises (voir ci-dessous), on s'aperçoit ainsi qu'ils ne représentent qu'une part modeste, à la différence des économies développées.

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- © Insee

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni devraient connaître des croissances d'au moins 0,5% aux troisième et quatrième trimestre. Mais dans le cas de la France c'est surtout le dynamisme des échanges commerciaux en zone euro qui dope l'activité. Or ces derniers sont restés dynamiques, note l'Insee.

"Pour nous (la France, ndlr), le fait que la croissance de l'Italie et l'Espagne repartent a quand même plus de poids dans la demande mondiale que le ralentissement de la Chine", explique Dorian Roucher. Et justement, nos deux voisins vont mieux. L'Italie devrait voir sa croissance progresser de 0,3%, au troisième comme au quatrième trimestre. L'Espagne, elle, carbure avec une hausse de 0,9% sur la même période. Ainsi "la zone euro résiste aux turbulences provenant des économies émergentes", relève l'Insee.

La prudence de l'Insee

Outre le dynamisme de son commerce interne, les exportations de la zone euro continuent de profiter de la faiblesse de l'euro qui, bien que désormais stable par rapport au dollar, reste à un niveau bien plus faible qu'en 2014 et permet ainsi de gagner des parts de marché.

Evidemment les 1,1% de la croissance française attendue pour cette année s'explique aussi par des facteurs internes et notamment la consommation des ménages, tirée par les gains de pouvoir d'achat. Par ailleurs l'investissement devrait aussi redémarrer aux troisième et quatrième trimestre. "Les chefs d'entreprises dans l'industrie et les services signalent une plus grande propension à investir au second semestre", remarque l'Insee.

Au final, ce bon cocktail permet donc à la France de retrouver une hausse de son activité supérieure à 1%, soit plus que ce qu'espère l'exécutif.

Quoique….L'Insee joue la carte de la prudence. A la fin de son point de conjoncture, l'institut liste les aléas qui pourraient menacer sa prévision. "Si la volatilité accrue des marchés financiers ou les inquiétudes concernant les économies émergentes venaient à entamer la confiance des entrepreneurs européens, la dynamique de reprise dans la zone euro pourrait se gripper". Mieux vaut prévenir…