BFM Business
Economie

Pourquoi la croissance nulle du 2ème trimestre n’est pas inquiétante

Le mauvais chiffre de la croissance au deuxième trimestre cache en fait des nouvelles encourageantes.

Le mauvais chiffre de la croissance au deuxième trimestre cache en fait des nouvelles encourageantes. - Kenteegardin - Flickr - CC

La performance décevante de l’économie française peut être tempérée par plusieurs nouvelles encourageantes. Sur le front du commerce extérieur ou des créations d'emploi, l'Insee note du mieux. Decryptage.

L’économie française a donc stagné au cours du deuxième trimestre 2015. C’est clairement une déception. Certes, les experts s’attendaient à un net ralentissement par rapport à l’excellent premier trimestre, dont la performance a d'ailleurs été revue à la hausse (+0,7%). Mais ils tablaient plutôt sur une progression de 0,2% voire 0,3%, et non sur une stagnation.

Comment expliquer cette contre-performance? Il y a d’abord la décélération de la consommation (+0,1% après +0,9% en début d’année). Un phénomène accentué par la surconsommation d’énergie en début d’année. Viennent ensuite les difficultés que continue de traverser le secteur de la construction.

La gestion des stocks coûte cher à la croissance

Mais c’est surtout le comportement des entreprises en matière de la gestion de leurs stocks qui a coûté cher à la croissance. Pour satisfaire les commandes qui leur étaient adressées, les entreprises ont préféré au printemps puiser dans leurs entrepôts plutôt que de produire. Du coup la production industrielle s’est contractée de 0,7%. A lui seul, ce phénomène coûte pas moins de 0,4 point de croissance sur le trimestre !

Cette performance décevante doit néanmoins être tempérée par deux nouvelles plutôt encourageantes: la relative résistance de l’investissement des entreprises, qui augmente très légèrement pour le deuxième trimestre consécutif (+0,2% après +0,6%) et le commerce extérieur, qui a enregistré sa meilleure performance depuis l'automne 2011. Même si cela est en grande partie imputable à l’allègement de notre facture énergétique.

La situation des entreprises s'améliore...

Ce mauvais chiffre signifie-t-il que la reprise est en train de capoter? Ce serait aller vite en besogne. D’abord parce qu’il faut regarder le premier semestre dans son ensemble: la croissance dépasse 0,3% par trimestre : une moyenne supérieure à celle des trimestres précédents qui montre que la reprise se poursuit à un rythme très poussif, qu’elle ne s’accélère pas, mais qu’elle n’est pas non plus en train de caler. D’ailleurs, si l’on en croit les premières estimations de la Banque de France, la croissance devrait se poursuivre sur le même rythme de 0,3% au troisième trimestre.

Il y a en effet quelques raisons d’espérer. D’abord, l’amélioration de la situation financière des entreprises, préalable indispensable à l’intensification de l’effort d’investissement se poursuit. Si l’on en croit l’enquête réalisée par la BPI au début de l’été, la situation de trésorerie des PME n’a jamais été aussi favorable depuis 2011, tout comme leur rentabilité. Ensuite, les dirigeants d’entreprises continuent de penser que leurs carnets de commandes vont se regarnir dans les prochains mois.

...et les créations d'emplois redémarrent

Un optimisme entretenu par la persistance des conditions financières extrêmement favorables qui ont déjà déclenché la reprise : euro compétitif, pétrole bon marché et taux d’intérêt historiquement bas. N’oublions pas que la chute des stocks au deuxième trimestre laisse penser que les entreprises devront se remettre à produire dans les prochains mois, ce qui devrait donner un coup de fouet à l’activité industrielle.

Au final, l’annonce de la stagnation du PIB au deuxième trimestre n’est évidemment pas une bonne nouvelle, mais ce n’est pas non plus une catastrophe économique. Elle va en revanche compliquer la rentrée du gouvernement, qui ne manquera pas d’essuyer de nouvelles critiques, y compris dans son propre camp, sur la pertinence de ses choix de politique économique.

D’ores et déjà, le ministre de l’Economie Michel Sapin s’est défendu en soulignant que cette stagnation du PIB "conforte" l’objectif de croissance objectif de 1% pour l'année 2015. Disons plutôt que pour l’instant elle ne le remet pas en cause, puisque d’ores et déjà, mécaniquement, la croissance française déjà acquise au mitan de l’année atteint 0,8%.

Dit autrement, elle atteindrait 0,8% en moyenne en 2015 même le PIB stagne encore au troisième et au quatrième trimestre. Surtout, le gouvernement ne manquera pas de souligner qu’au cours du même deuxième trimestre, les entreprises françaises ont recommencé à créer des emplois : 27.300, grâce aux services et à l'intérim, soit la hausse trimestrielle la plus importante depuis début 2011. Des chiffres meilleurs que prévu, contrairement à ceux du PIB.

Emmanuel Lechypre