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Pourquoi, même avec une croissance à 1,8%, la France peine à réduire le chômage

Les chiffres de Pôle sont difficilement explicables

Les chiffres de Pôle sont difficilement explicables - Pascal Guyot - AFP

La croissance devrait finalement atteindre 1,8% cette année. Pourtant, selon l'Insee, le chômage ne va guère baisser au deuxième semestre. En cause: la réduction du nombre de contrats aidés mais aussi le retour sur le marché de l'emploi de Français qui avaient renoncé à s'inscrire à Pôle emploi.

C'est quasiment le seul point noir d'un tableau qui semble idyllique. Jeudi, l'Insee a mis à jour sa prévision de croissance pour la France pour cette année, la relevant de 1,6% à 1,8%, soit le chiffre le plus fort depuis 2011.

Alors que quasiment tous les voyants sont au vert, il reste une ombre au tableau. Le taux de chômage, à 9,5% fin juin (DOM compris), ne bougerait quasiment pas sur la seconde partie de l'année (9,4% au 31 décembre).

Pourtant, l'Insee prévoit exactement la même croissance aux troisième et quatrième trimestres que sur les deux premiers (0,5%). Or, sur les six premiers mois de l'année, le chômage a clairement baissé passant de 10 à 9,5%.

Fin de la prime à l'embauche dans les PME

Comment expliquer que la tendance ,e se maintienne pas au deuxième semestre? L'Insee donne plusieurs explications. Tout d'abord les créations d'emplois dans le privé seraient moins importantes qu'au début de l'année: 86.000 au deuxième semestre contre 121.000 au sur les six premiers mois de l'année, soit environ 30% de moins. "Les perspectives d'embauche se sont tassées cet été notamment en raison de l'arrêt de la prime à l'embauche dans les PME", explique Dorian Roucher, chef de la division synthèse conjoncturelle à l'Insee.

De janvier 2016 à fin juin 2017, les entreprises de moins de 250 personnes qui embauchaient un nouveau salarié (payé jusqu'à 1,3 SMIC) bénéficiait en effet d'une prime de 500 euros par trimestre. La fin de cette incitation financière a ainsi provoqué un contrecoup sur le secteur privé. "Il s'agit d'un impact transitoire qui rend la croissance un peu moins riche en emplois", explique Mathieu Plane, économiste à l'OFCE. "Mais malgré cela, on voit quand même la création de 82.000 postes ce qui montre quand même que ce lien entre croissance et emploi est bel bien là", ajoute-t-il.

La réduction des contrats aidés

Ce n'est pas vraiment au niveau du secteur privé que le bât blesse. Mais plutôt du côté de l'emploi public. Le gouvernement a en effet décidé de réduire la voilure sur les emplois aidés, les limitant à 110.000 pour le deuxième semestre, soit presque deux fois moins qu'au premier (200.000) et quatre fois moins qu'en 2016 (459.000). Combinée à l'expiration des contrats signés les années précédentes, cette décision se traduit donc par des destructions d'emplois. "90.000 postes d'emplois aidés seraient supprimés et même si une partie des employeurs publics compenseraient ces suppressions en créant des postes, l'effet net sur l'emploi total serait de l'ordre de moins 60.000", explique ainsi Dorian Roucher.

Au final, le nombre de postes créés tous secteurs confondus (public, privé, indépendants et emploi agricole) ne serait ainsi que de 40.000 au deuxième semestre, soit trois fois moins qu'au premier (154.000), tout juste suffisant pour compenser la hausse naturelle de la population active. En France, les personnes qui partent à la retraite restent moins nombreuses que les jeunes qui arrivent sur le marché du travail.

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Les zones d'ombre des chiffres de Pôle emploi

Par ailleurs, si l'Insee prévoit une baisse même modeste du chômage sur la deuxième partie de l'année, pour le moment cette amélioration du marché du travail ne se reflète pas vraiment dans les chiffres de Pôle emploi. Depuis le début de l'année, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A (sans aucune activité) n'a connu que trois mois de baisse (juin, avril et février) contre cinq de hausse. Et par rapport à décembre 2016, pour le moment, le nombre de demandeurs d'emplois est en hausse: + 73.300 personnes.

Bien sûr, ces données ne mesurent pas à proprement parler une mesure stricte du chômage. Il s'agit de données administratives sur les personnes inscrites à Pôle emploi, simplement corrigée des variations saisonnières. "Il peut très bien y avoir des personnes au chômage qui ne sont pas inscrites à Pôle emploi", fait remarquer Mathieu Plane. L'Insee, elle, fait une enquête sur environ 100.000 personnes en considérant qu'un chômeur est une personne de plus de 15 ans qui cherche activement un emploi, qui est disponible pour en prendre un et qui n'a pas même pas travaillé une heure dans la semaine précédent l'enquête. Il s'agit d'ailleurs de la définition du bureau international du travail.

Des chômeurs qui retrouvent le courage

Si cette méthode n'est pas parfaite, elle constitue un thermomètre jugé meilleur que les chiffres de Pôle Emploi. "On additionne parfois des choux et des carottes sur ces statistiques, qui sont par ailleurs assez difficiles à interpréter, l'enquête emploi de l'Insee donne une idée plus claire des gens qui sont effectivement au chômage", considère ainsi Philippe Waechter, chef économiste de Natixis AM.

Par ailleurs, les données de Pôle emploi semblent incohérentes avec la conjoncture. "Cette hausse, on ne l'explique pas, surtout quand on regarde les autres indicateurs. Mais il ne faut pas surinterpréter ces chiffres qui ne donne pas une analyse exhaustive et qui n'est pas représentative de l'ensemble du chômage", explique Mathieu Plane.

Philippe Waechter donne toutefois une piste possible: "Par le passé, on a déjà observé que lorsque le marché du travail se déride, les gens qui considéraient qu'ils ne pouvaient pas trouver de jobs se disaient 'peut-être y-a-t-il maintenant une opportunité' et revenaient ainsi sur le marché du travail", se réinscrivant à Pôle emploi. "Ce qui fait que dans l'absolu, lorsqu'il y a une reprise qui se met en place ont peur se retrouver à créer des emplois et avoir temporairement le chômage qui remonte", conclut-il