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Economie

Qui aurait le plus à perdre en cas de poussée de l'inflation?

Les ménages les plus modestes sont les moins impactés

Les ménages les plus modestes sont les moins impactés - Fred Tanneau - AFP

L'Insee a simulé une hausse des prix de 1% sur un an, puis a ensuite observé les effets sur les revenus des ménages les deux années suivantes. En moyenne, les foyers perdent 0,3% de leurs revenus et jusqu'à 0,6% pour les 10% des ménages les plus aisés.

"L’inflation est comme l’alcoolisme. Lorsqu’un homme se livre à une beuverie, le soir même cela lui fait du bien. Ce n’est que le lendemain qu’il se sent mal". Tels étaient les mots de Milton Friedman, l'un des plus grands économistes libéraux du XXe siècle. Et qui ne goûtait guère aux politiques keynésiennes de relance (et à leurs effets sur les hausses de prix). 

Pour le moment, la France est encore loin de l'ivresse. L'inflation est en effet contenue dans l'Hexagone, avec 0,8% en mai, un chiffre loin des 2% que visent la plupart des banques centrales.

Mais que se passerait-il si les prix remontaient fortement et subitement à cause, par exemple, d'une flambée des prix du baril, ou d'une forte hausse de la TVA?

L'Insee a tenté de le savoir en simulant les effets d'une hausse de 1% des prix lors d'une année N sur les revenus des ménages. L'institut des statistiques a mesuré cet impact en cumulé sur cette année mais aussi sur les deux années suivantes (N+1 et N+2).

Des effets de décalage

En effet, si les prix augmentent sur une année, les salaires et le Smic s'ajustent eux l'année suivante. Pour les impôts, les effets ont lieu sur les deux années. En N+1, le barème est revalorisé pour suivre l'inflation tandis qu'en N+2, il prend comme référence des salaires gonflés par l'ajustement de l'inflation. Ces mécanismes, complexes, jouent aussi au niveau des prestations (RSA, allocations familiales) et font qu'il est effectivement judicieux d'étudier l'impact sur plusieurs années.

Au final, l'Insee calcule qu'en moyenne, le revenu brut disponible des ménages (tous leurs revenus diminués des impôts) est en N+2, 0,3% plus faible par rapport à ce qu'il aurait été sans choc d'inflation.

Les ménages aisés les plus touchés

Toutefois, les effets sont disparates selon le niveau de revenus. Ainsi, pour les 10% des ménages les plus modestes, l'impact sur deux ans est très faible (-0,1%). Si on élargit à la moitié des foyers les moins riches, l'effet est encore limité (il ne dépasse pas 0,2%). En revanche pour les 10% des ménages les plus aisés, la baisse est plus sensible (-0,6%).

Plusieurs facteurs expliquent ces effets inégaux. Les ménages les plus modestes sont ceux dont les salaires sont les plus indexés sur l'inflation. De plus, ces foyers bénéficient de prestations qui viennent également se caler sur l'inflation.

Les 10% des ménages les plus aisés, eux, ont des salaires qui ne dépendent quasiment pas de l'inflation. L'Insee affirme, en effet, que plus les salaires sont élevés moins ils sont indexés sur la hausse des prix.

D'autre part, dans la composition de leurs revenus, les foyers les plus riches ont moins de prestations (revenus indexés sur l'inflation) et beaucoup plus de revenus du patrimoine, qui eux, sont très peu liés à la hausse des prix. Ce qui explique que ces ménages les plus riches soient les plus impactés.

Néanmoins, tous ces effets ne font que réduire faiblement les inégalités de niveau de vie. Le rapport entre les 10% les plus aisés et les 10% les plus pauvres baisse de 0,4 point et l'indice de Gini, un outil statistique souvent utilisé pour mesurer les inégalités et qui varie de 0 (égalité absolue) à 1 (inégalité absolue), diminue de 0,001.

L'Insee précise néanmoins que sa simulation ne prend pas en compte les effets que le choc d'inflation aurait sur l'emploi ou l'activité économique.

Julien Marion