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Sur Youtube, ce jeune chômeur parvient à rendre l'économie sexy

Arnaud Gantier a créé StupidEconomics à l'été 2015

Arnaud Gantier a créé StupidEconomics à l'été 2015 - -

Diplômé d'une école de commerce, Arnaud Gantier a créé en 2015 StupidEconomics une chaîne Youtube destinée à vulgariser l'économie. Avec un autre journaliste en herbe, ce vidéaste amateur veut développer cette chaîne en multipliant les contenus mêlant humour et auto-dérision.

"Faut-il rire des économistes?", "Comment bien vendre la nature?""Ce que l'argent ne peut acheter". Tels sont les thèmes que traite Arnaud Gantier, 25 ans, sur sa chaîne Youtube StupidEconomics où ce jeune demandeur d'emploi vulgarise l'économie dans style bien punchy, avec humour et auto-dérision.

"Ce qui m'intéresse c'est de construire une histoire avec la curiosité. Moi je suis curieux, devenez curieux avec moi! En fait le "Stupid" de Stupideconomics c'est presque moi", indique le jeune vidéaste (il refuse le terme "youtubeur").

Ses vidéos sont pédagogiques et extrêmement bien référencées en termes de sources et d'auteurs. Pourtant, il y a encore quelques années, Arnaud était à mille lieux de s'imaginer qu'il en serait là aujourd'hui.

"J'ai eu envie de tester un truc"

À la sortie de son école de commerce, l'ESC Brest, il travaille deux ans en Finlande dans une start-up. Lorsqu'il revient en France il se retrouve bloqué pendant plusieurs mois. C'est durant cette période qu'il décide de tourner sa première vidéo sur webcam intitulée "Faut-il rire des économistes?". "J'avais cette envie de parler d'économie car j'avais écouté beaucoup de podcasts, comme Freakonomics ou Planetmoney. J'avais aussi vu ce qui se passait sur Youtube sur des chaînes de vulgarisation, comme DirtyBiology. J'ai alors eu envie de tester un truc", confie-t-il.

Rien de bien sérieux, pense-t-il. Il arrive quand même à attirer un peu moins de 10.000 abonnés. Le tournant a lieu début 2016, lorsqu'il rencontre son associé, Valentin Levetti, 25 ans également. Tous les deux ont intégré Le Monde Académie, l'académie du journal qui repère de potentiels journalistes censés sortir des sentiers battus. Valentin vient de finir un reportage en Turquie après avoir obtenu un Master 2 en cinéma et audiovisuel. Il tique un peu en voyant la technique de son collègue mais est séduit par le principe.

Se créer une légitimité

Depuis, ils travaillent tous les deux. "Arnaud garde la main sur l'écriture et on réfléchit ensemble sur la façon de mettre en images", résume Valentin. "On voit comment on va attirer quelqu'un qui n'est pas intéressé par le sujet à la base.On part ainsi du principe qu'elle va cliquer en se disant "Wow, qu'est-ce que c'est?", ajoute-t-il.

Ils produisent pour le moment, une vidéo par mois, qui fait entre 10.000 et 35.000 vues. Sur la seule partie recherche, Arnaud consacre deux semaines à trouver, vérifier l'information puis à écrire sa vidéo. Il nous assure même écouter des podcasts de BFM Business.

Pas encore rentable

Arnaud attache énormément d'importance à ses sources, toujours citées dans la description de la vidéo. Valentin et lui discutent avec des économistes (dont Thomas Renault, l'auteur du blog Captain Economics) et leur font valider des points précis voire des vidéos entières. "Nous sommes en train de nous construire une crédibilité et le problème sur le web c'est que si nous faisons une erreur, on nous le fait remarquer directement dans les commentaires. Et ça fait mal", justifie Arnaud. Le tournage de la vidéo se fait en une après-midi mais la post-production, elle, dure deux semaines.

StupidEconomics est leur activité principale, mais elle ne leur assure pas de quoi se payer un salaire. Arnaud vit essentiellement des allocations chômage, Valentin du RSA. Sur l'ensemble de 2016, Youtube leur a versé 298 dollars. La faute à une audience qui, bien que respectable n'est pas massive. Leurs vidéos font ainsi entre 10.000 et 35.000 vues (un Youtubeur comme le Rire Jaune qui dit se verser un peu plus d'un SMIC fait entre 2 et 10 millions). Via la plateforme de crowdfunding Tipee, ils disposent toutefois d'un complément de revenus de 150 euros par mois.

Le binôme est conscient que parler d'économie, n'est pas vendeur. "Le sujet qu'on traite n'attire pas forcément les annonceurs mais c'est le jeu", souligne Valentin.

Formats courts et reportages

Néanmoins les deux compères vont augmenter la cadence et renforcer leur crédibilité. "On fait ce qu'on aime et on sait que si on le fait bien on aura des opportunités", explique Arnaud. On leur propose déjà d'animer des conférences ou de participer à l'écriture d'un livre. Le pari est donc de multiplier les opportunités en renforçant leur notoriété. Ils espèrent pouvoir gagner assez pour survivre d'ici la fin 2017.

Les deux journalistes en herbe vont ainsi améliorer la qualité des vidéos et multiplier les formats. En plus des sujets de 8-10 minutes, ils vont créer un format court, type "qu'est-ce que le PIB". Un premier test a été effectué avec pour sujet le freemium et Pokémon Go. Ils comptent également partir en reportage. Notamment en Turquie pour parler de l'effet de la baisse du tourisme.