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Une croissance de 1,2% en 2014: encore trop optimiste

La croissance française devrait être de 0,1% en 2013

La croissance française devrait être de 0,1% en 2013 - -

Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie, a annoncé, dimanche 7 avril, que la croissance serait de 1,2% en 2014 après un 0,1% cette année. Un objectif qui sera difficile à atteindre selon Emmanuel Lechypre, éditorialiste à BFM Business.

Pfff, ça devient fatigant de jouer les rabat joie. Mais il faut bien tirer la sonnette d’alarme : l’année 2014 sera plus compliquée encore à gérer pour François Hollande et son gouvernement que 2013 et la fin 2012. Principalement parce qu’une fois de plus, les objectifs de croissance du gouvernement ont peu de chance d’être atteints, même s’ils sont modestes.

Comment, hors de portée une progression de 1,2% du PIB l’an prochain? Oui, sauf choc qui infléchirait fortement la trajectoire de croissance de la France vers le haut. D’abord, si l’on scrute tous les baromètres avancés de l’activité, aucun ne dessine les contours d’une reprise à l’horizon des six prochains mois, si bien que l’année 2013 risque plutôt de s’achever sur une baisse de 0,2 ou 0,3% de l’activité que sur l’augmentation 0,1% annoncée officiellement.

Tirons ensuite les leçons de l’histoire : Après les deux dernières récessions de 1993 et 2009, les reprises se sont effectuées à des rythmes de 0,3% à 0,4% au cours des trois ou quatre trimestres suivant la fin de la récession. C’est au moins à ces rythmes que devra croître le PIB pour atteindre l’objectif de croissance de 1,2% fixé par Bercy.

Plutôt 0,5%

Or de tels rythmes sont hors de portée aujourd’hui: l’environnement international, et particulièrement européen, est moins porteur qu’en 1994 et 2010. La politique budgétaire est beaucoup plus contraignante (elle était même fortement stimulante en 2010 !), le chômage est plus élevé, la situation financière des entreprises est plus dégradée et le levier du crédit ne peut plus être actionné comme à l’époque.

Enfin, et c’est un problème qui passe trop souvent inaperçu, la crise a détruit une partie du potentiel de croissance du pays (fermetures d’usines, licenciement de travailleurs qualifiés donc pertes de savoir-faire…), qui ne se situerait plus, si l’on prend en compte l’évolution de la productivité et de la démographie, que dans une fourchette de 0,6% à 0,8% de croissance par an, contre 1,5 à 1,7% avant la crise.

Donc si l’on tient compte, comme on l’a vu, du fait que le point de départ de l’activité pour 2014 sera plus bas que prévu, la trajectoire « naturelle » la plus optimiste pour la croissance française en 2014 se situera plutôt autour de 0,5%.

Choc de compétitivité

Seul un choc de compétitivité et/ou de pouvoir pourrait donc nous faire passer la barre des 1%. Mais d’où viendrait-il ? De la chute de l’euro ? Peu probable au moment où c’est le Japon qui décide de faire plonger son yen. D’une injection massive de liquidités? La BCE n’a pas l’audace (ou la folie !) de la Réserve fédérale américaine ni de la Banque du Japon.

De nouvelles révolutions technologiques ? Celles-ci sont réelles, mais n’auront pas de véritable effet d’entraînement avant 3 à 5 ans. D’une politique budgétaire plus souple ? Au contraire, si Bercy veut tenir ses engagements auprès de la Commission européenne (moins de 3% du PIB de déficit) c’est presque une dizaine de milliards d’euros supplémentaires qu’il faudra trouver, avec leur cortège d’effets récessifs sur l’activité !

A moins de laisser filer les déficits et, une fois de plus de ne pas tenir nos engagements budgétaires. Les marchés financiers sauront apprécier. Sauf si le gouvernement abat la seule carte capable de les

impressionner favorablement : de véritables réformes de modernisation du pays, administration en tête…

Emmanuel Lechypre