Espérance Fenzy, le fondateur d'EtNisi, crée à partir de déchets extrêmement variés des matériaux qui intéressent de près les pros de la déco.

Espérance Fenzy, le fondateur d'EtNisi, crée à partir de déchets extrêmement variés des matériaux qui intéressent de près les pros de la déco.

EtNisi

EtNisi : des déchets très déco

Dans le showroom d'EtNisi, à Marc-en-Baroeul dans la banlieue de Lille, Espérance Fenzy montre fièrement ses échantillons. Et c'est vrai que ces petits carreaux gris, roses ou bleu turquoise, mouchetés ou granuleux ont belle allure. Les grandes dalles de 60 cm de côté, qu'on retrouvera aux rayons salle de bain de Leroy-Merlin ou Castorama dans quelques mois, aussi.

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Encore plus lorsqu'on sait que 75 à 80% viennent de chantiers de démolition (briques, béton), de décharges (verres, marc de café...), de terrain de tennis (les vieilles balles, la terre battue) ou même... de la montagne de moules qui s'amoncelle à l'issue de la célèbre braderie de Lille. C'est que cet ancien ingénieur dans le BTP a "toujours eu le goût des objets et des matériaux chargés d'histoire". Outre sa présence prochaine dans les rayons bricolage, l'autre joli coup d'EtNisi est la réutilisation des rebuts de la démolition de l'immense usine désaffectée de Fives-Cail pour rebâtir à neuf le quartier. Pile là où, il y a 130 ans, un ouvrier du nom de Pierre Degeyter composa la partition de L'Internationale...

Mais retour au présent. Le "wasterial©" inventé par Espérance Fenzy n'est pas "seulement" une technologie pour faire du beau matériau avec du déchet. C'est aussi tout un modèle conçu pour être aussi circulaire et durable que possible. Lorsque que la start-up verte aura atteint sa vitesse de croisière, pas de grande usine centrale, les dalles et carreaux d'EtNisi seront produit par des usines transportables, situées au plus près des clients... et des décharges. Que des salariés d'entreprises de l'économie sociale et solidaire se chargeront ensuite de faire tourner. "Proposer une solution innovante dans le recyclage sans se préoccuper du transport et de l'impact environnemental plus global, ça n'aurait pas de sens", explique l'entrepreneur.

Cy-Clope : l'abo anti-mégot

On le jette négligemment, presque sans y penser. Malgré les amendes (68 euros), le mégot est probablement le déchet qu'on croise le plus souvent à même nos trottoirs. "Il n'y a pas de filière, ni d'incitation à le recycler", résume Antoine di Tommaso, cofondateur avec Thibault Legrand de Cy-Clope. Alors même qu'il va mettre douze ans à se dégrader, et polluer environ 500 litres d'eau...

En démarrant leur aventure directement sur le terrain plutôt que de multiplier les études de marché, les deux entrepreneurs en arrivent rapidement à la conclusion que c'est dans les entreprises que leur idée sera la plus porteuse. "Dans toutes les entreprises, petites ou grandes, le rituel de la 'pause clope' est toujours bien ancré, observe Antoine di Tommaso. Et c'est à cet endroit-là, par un mobilier design et qui attire l'oeil, qu'on va pouvoir le plus efficacement sensibiliser le fumeur".

Alors que le cendrier est souvent caché un peu honteusement dans un coin, le Cy-Clope d'Antoine du Tommaso est au contraire rutilant. En fonction des besoins de l'entreprise qui accepte de l'installer moyennant un abonnement, la jeune société va ensuite venir collecter les mégots de tous les trois jours ou une fois par mois. Et se charger ensuite de valoriser ce déchet à la réputation sulfureuse.

Cy-Clopeur

L'abonnement commercialisé par Cy-Clope comprend la mise en place de ces cendriers design, la collecte des mégots, et un rapport détaillé sur les bienfaits environnementaux du service.

© / Cy-Clope

Car cette vieille clope est en fait recyclable. Cendre, tabac et papier ? Au composteur. Le filtre, considéré comme un déchet dangereux ? Il va servir comme "préparation de charge" pour le béton. En clair, remplacer les traditionnels copeaux de bois dans la phase d'absorption de l'humidité indispensable à la fabrication de ce matériau de construction.

L'entreprise, qui emploie aujourd'hui une dizaine de personnes et intervient dans toute la France, a déjà séduit quelques belles références (Safran, les Galeries Lafayette, des gares SNCF ou l'esplanade la Défense). Et pas seulement par le design de son cendrier... En fournissant aux entreprises clientes des rapports sur les quantités collectées, l'impact environnemental de cette action (CO2, litres d'eau non-polluée...), Cy-Clope fait mouche à l'heure où les entreprises sont sommées d'être transparentes sur leurs actions en matière de développement durable.

Gecco : de l'huile dans le moteur de l'économie circulaire

Alors qu'il était encore étudiant, Julien Pilette apprend qu'il faire rouler sa camionnette à l'huile de colza en lieu et place du diesel. Vérification faite, ça tourne ! De ce constat de bricoleur écolo est née Gecco, l'entreprise qu'il a cofondée avec Michel Millares en 2007.

Son idée : collecter les huiles de friture usagées de restaurants (l'entreprise est nordiste, la matière première est abondante...) pour la recycler en biocarburant, plutôt que de ponctionner des ressources naturelles. Et mettre ainsi en place des boucles d'économie circulaire locales ("Ça n'aurait aucun sens de faire voyager notre biocarburant depuis Lille pour qu'il soit consommé à Marseille", explique le fondateur).

Une décennie plus tard, l'idée a vraiment pris forme: la collecte s'effectue dans 2000 restaurants et auprès d'industriels comme McCain, et permet de réutiliser 1500 tonnes d'huiles usagées par an. Pour faire avancer notamment des autocars et balayeuses de la ville de Lille (une vingtaine mettront bientôt une frite dans leurs moteurs), mais pas seulement. Huile de tronçonneuse (avec un partenaire en Ardèche), combustible (l'huile de friture peut remplacer le fioul des chaudières)... les utilisations du précieux liquide sont légion.

Mieux : en association avec un partenaire lyonnais, Gecco collecte aussi dans les restaurants le marc de café, pour en faire un additif permettant de réduire la proportion de produits pétrochimiques dans les plastiques ou des briques de combustible (bûches ou granulés), et les déchets organiques envoyés dans des unités de méthanisation. Ainsi se dessine véritable petite filière de collecte et de réemploi dans la restauration.

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