Alstom: L’Airbus de l’énergie n’est pas prêt de sortir des hangars
L’argument de l’Airbus de l’énergie n’est qu’un hochet politique qui ne résistera pas à la logique industrielle
L’histoire dira pourquoi la fin d’un fleuron prend les allures d’un roman de gare, mais le dernier chapitre semble bien déjà écrit : la logique industrielle plaide en faveur de General Electric. Et comme elle a prévalu dans le dossier SFR, malgré les pressions politiques, elle prévaudra forcément dans le dossier Alstom
Les syndicats de l’entreprise ne s’y trompent pas d’ailleurs, ce soir ils insistent sur les doublons multiples entre Siemens et Alstom, et à l’inverse sur la complémentarité avec General Electric, complémentarité telle, dit d’ailleurs la CGC, que « GE mettra de la charge pour garder les compétences », comprenez : donnera aux usines françaises de la branche énergie les moyens de se développer.
Face à cela le pouvoir va brandir l’Airbus de l’énergie. Mais de quoi parle-t-on ? Comment construire une stratégie à l’échelle du continent quand les politiques énergétiques des Etats divergent à ce point ? Siemens, dans l’approche mise sur le papier samedi soir, se dit tout à fait prête à loger dans une structure particulière les actifs « nucléaires » d’Alstom. Outre le fait que ces actifs n’ont de « nucléaire » que le nom (à ce compte-là, le béton de Bouygues est nucléaire, et même le bitume de Vinci sur les voies d’accès), Siemens s’est totalement dégagé de ces activités sous l’impulsion d’un gouvernement qui, en ce moment, brûle des milliers de tonnes de charbon polonais.
Siemens va brandir aussi la constitution d’un « Airbus de la grande vitesse ferroviaire ». Je viens de l’inventer celui-là, mais vous allez le voir surgir. Or, là encore, de quoi parle-t-on : d’un TGV qu’Alstom n’arrive pas à vendre à l’international et d’une technologie allemande, ICE, qui n’a rigoureusement rien à voir, et a du mal à s’imposer même dans son propre pays.
On comprend que le gouvernement ait été choqué par la méthode, il y a de quoi. Visiblement c’est Bloomberg qui lui a appris le deal avec les US, comme nous l’avons appris nous. Ce qui se murmure à Bercy, c’est même que Bouygues était en train de dealer avec General Electric pendant l’affaire SFR, ce qui lui permettait de rajouter allègrement des milliards à son offre. Bouygues aurait dû se soucier de la position dans laquelle il mettait Arnaud Montebourg, le laissant monter au créneau sur le dossier télécom, sans l’avertir de ce qu’il faisait avec Alstom. « ça se paiera » me dit une source à Bercy
On comprend que le gouvernement prenne toutes les garanties sur les emplois et les sites industriels. Il est dans son rôle. Mais là encore il n’oublie pas que GE est un acteur industriel français des plus solides, 5,6 milliards€ de production industrielle, exportée à 90% ! Tellement ancien qu'Alstom est en fait, au tout début de son histoire, une émanation d'une filliale de GE, il y a presque un siècle, 1928, en l'occurence la Compagnie française Thomson Houston
Oui nous avons laissé mourir la Compagnie Générale d’Electricité. Oui cet empire dirigé par Ambroise Roux, puis Georges Pébereau, qui décidait de la politique industrielle de la France dans les années 80, démantelé dans les années 90 sur les chimères de la bulle internet, cet empire n’est plus qu’une collection de confetti à bout de souffle.
Faut-il pour autant y substituer un introuvable projet européen ? Logique politique et logique industrielle sont parfois inconciliables