L’Energie, encore victime du remaniement
Le choix de maintenir l’énergie dans le ministère de l’écologie est lourd de sens et contredit les engagements sur la compétitivité
C’est un pur choix politique. Un de ceux, rares aujourd’hui, qui sont totalement entre les mains des responsables politiques. Qui ne dépendent ni de Bruxelles, ni du FMI, ni des marchés. Maintenir l’énergie dans l’orbite de l’écologie, ou la ramener du côté de la production et du ministère de l’industrie, sa place historique
Hollande/Valls ont choisi la première option. Elle est lourde de conséquences
L’énergie est indispensable. Excusez-moi, ce n’est pas une simple évidence. Cette phrase est au cœur des choix historiques des présidents Pompidou, Giscard et Mitterrand de construire un appareil nucléaire considérable, seul à même de garantir notre souveraineté. Est-ce que ceux qui brocardent cette puissance peuvent regarder ce qui se passe du côté de l’Ukraine aujourd’hui ? Comment l’Allemagne s’est mise entre les mains de Moscou et de son gaz qui lui est indispensable. In-disp-pen-sable. Je me permets d’insister parce que c’est terrible d’en être là. Le choix nucléaire nous a amené à des soutiens douteux en Afrique, j’en conviens, mais fondamentalement, l’uranium, vous le trouvez massivement en Australie et au Canada, les deux régimes démocratiques les plus stables du monde. Regardez une carte géopolitique, demandez-vous si vous aviez des choix plus pertinents ? Je ne le crois pas
Cette indépendance gagnée, l’énergie devient un moyen. Et c’est là que les choix politiques sont cruciaux. Au service de la nation, ou au service de la planète ?
Au service de la nation, c’est considérer que l’énergie est un facteur de compétitivité. C’est le choix massif des Etats Unis. Pas seulement dans l’exploitation des hydrocarbures de schistes, mais aussi dans l’interdiction faite aux producteurs de l’exporter. Au point d’ailleurs d’affaiblir leur rentabilité. On ne peut pas plus fortement proclamer America’s first !
Au service de la planète, c’est considérer que les producteurs doivent prioritairement organiser la transition vers le renouvelable et la limitation des émissions de carbone. C’est le choix massif de l’Allemagne, avec les conséquences politiques et stratégiques que l’on a vues, et des conséquences financières importantes. L’Allemagne est obligée de subventionner son industrie (par des dégrèvements fiscaux qui commencent à inquiéter Bruxelles, il serait temps) et de faire payer une partie de la facture aux particuliers (en attendant que l’énergie renouvelable devienne compétitive).
On se rend bien compte que le chef de l’état hésite entre ces deux options depuis le début de son mandat, donnant des gages tantôt à l’un, tantôt à l’autre des camps. Hésitation d’autant plus visible que face aux engagements de son programme présidentiel (réduire la part du nucléaire, engager la transition énergétique) la voix forte d’Arnaud Montebourg venait rappeler qu’il était contradictoire de plaider la réindustrialisation et de ne pas jouer à fond la carte de la compétitivité énergétique. Il hésite d’ailleurs tellement, qu’il est devant des choix urgents, sur la fermeture de Fessenheim, et sur la prolongation de la durée de vie des centrales.
On a l’impression que cette hésitation vient de prendre fin. Parce qu’en matière de « voix forte », Arnaud Montebourg va trouver à qui parler. Delphine Batho ou Philippe Martin ce n’était pas sérieux. Ségolène Royal c’est autre chose. Pourra-t-il encore laisser planer l’ambiguïté sur les gaz de schistes ? Soumettre des projets qui permettent de se passer de la fracturation hydraulique ? Pourra-t-il encore vanter la puissance nucléaire ?
En fait on n’en sait rien… tellement la personnalité de Ségolène Royal est complexe, et, disons-le, tellement le gloubi boulga idéologique dans lequel elle baigne n’a d’égal… que celui du ministre du redressement productif. Mais enfin, Pendant la primaire socialiste en 2011, elle souhaitait ramener le nucléaire "à une énergie d'appoint". Elle promettait d'abandonner la construction du futur réacteur EPR à Flamanville et d'en faire un site de recherche sur les techniques de démantèlement et les énergies renouvelables
Doit-on mettre l’énergie au service de la transition énergétique ? Sommes-nous dans une telle forme économique qu’on puisse se le permettre ? En rattachant l’énergie à l’industrie la réponse aurait été claire. Là, elle ne l’est pas. Il serait grave d’oublier qu’en terme de compétitivité industrielle, une facture d’énergie vaut largement des baisses de charges.