Open Bar
Stéphane Soumier vous le dira mieux que moi : "Quand les marchés attendent l'arme au pied trop longtemps, ils finissent par prendre racine".
Il en aura fallu du mouvement, de la décision capitale, du tournant stratégique historique pour faire redecoller le marché de sa fin de torpeur estivale et de ses doutes. Il y aurait même de quoi, selon les analystes, faire revenir les grands investisseurs aux actions de manière significative pour les prochains mois. Mais pour ça il a fallu employer l'arme lourde. Les armes lourdes. Et plus que des chiffres, les marchés attendaient des mots. Mais exit les pâles "Yeux braqués sur l'inflation" et "politique accomodante" du passé. Il fallait plus. Des mots qui sonnent comme un point d'orgue a une semaine encore une fois historique pour l'histoire boursière et aussi pour les Banques Centrales
"Nous sommes prêts a employer TOUS LES MOYENS pour assurer la perennité de l'euro" a dit Mario Draghi la semaine dernière. Bond impressionnant des marchés pour le CAC 40, +3%. Est-ce que cette offensive etait chiffrée dans les cours, malgré tout ce qui a pu filtrer les jours d'avant? Visiblement non. Les marchés avaient besoin de mots simples, beaucoup plus définitifs, d'attitudes, d'aplomb. Et là chapeau M. Draghi.
"La politique de rachats d'actifs de la FED sera ILLIMITEE", tant que le chômage ne baissera pas significativement nous dit Ben Bernanke une semaine plus tard. Là aussi des mots simples, directs... des chiffres parlants aussi, 40 milliards de dollars de rachats de titres PAR MOIS, prolongation de la politique de taux plancher jusqu'en 2015. Mais l'essentiel est là. "Illimité" ! C'est ce que les marchés voulaient entendre. Et ils achètent ce "No Limit". Là aussi il y avait quelque chose de mieux a espérer sur les cours de bourse.
Nouvel équilibre ?
A côté de ça, la décision positive des Juges de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe en Allemagne, sur la légalité des dispositifs d'aide européens, même si elle était devenue indispensable, passe au second plan. Déja parce qu'elle est très technique, et la longueur de la phrase précédente le prouve. Et d'ailleurs les marchés n'ont que peu réagi finalement en définitive, malgré une volatilité et une intensité inimaginable autour de l'heure de leur rendu de décision. Il y avait un vrai suspense, mais dénoué rapidement, tant ces dispositifs sont desormais intégrés aux cours de bourse. Mais il n'y avait pas grand chose a acheter de plus. La menace était réelle, et une fois ecartée, les marchés se sont retrouvés a leur point de départ.
On a donc là autour de ces 3500-3600 sur le CAC 40 une sorte de nouveau niveau d'équilibre, Open Bar du côté des banques centrales, pompes enclenchées et opérationnelles pour les pare-feux européens, on peut repartir sur des bases un peu plus solides. Cela dit le marché achète moins les nouvelles en provenance de la FED, la réaction est moins flamboyante. Déja parce que les indices américains sont au plus haut depuis fin 2007. Et puis Ben Bernanke avertit : le mur de la dette américaine fait quand même peser une menace considérable sur le long terme... Et là il renvoie directement la balle dans la sphère politique.
Donc le grand gagnant de ce match est sans aucun doute Mario Draghi. Excellent timing, des phrases décisives, et un sens politique qui lui a permis de faire avaler quelques belles couleuvres au camp allemand. Il a su déclencher l'impulsion au meilleur moment, avant que ne se lance cette course a la proactivité des banques centrales. Ca tombe bien, la BCE était sans doute celle qui avait le plus intérêt a le faire.
Et cette victoire de Mario Draghi prouve que même si Goldman Sachs se trompe de temps en temps (pas de "fin du monde" boursière en définitive au 14 septembre, comme annoncé fin août), ses anciens employés sont capables de prouesses extraordinaires de portée macro-économique!