Pierre Moscovici, "le ministre qui ne sert à rien"
On cherche en vain les prises de position du patron de Bercy. Pendant que les grandes entreprises s'inquiètent de son evanescence
Ces sont les patrons des grosses entreprises cotées qui ont commencé à tirer le signal d’alarme il y a quelques semaines, alors que, paradoxalement ils épargnaient Arnaud Montebourg
« Le problème c’est que c’est un ministre qui ne sert à rien, et quand Bercy ne sert à rien, les poids lourds de l’économie française en souffrent ». Ce verdict impitoyable était celui d’un des plus gros employeurs du pays. Son problème, justement, l’emploi. Il avait besoin d’un soutien politique pour gérer une série de départs. Paradoxalement d’ailleurs, il voulait limiter les suppressions de poste face à des actionnaires très gourmands, « je n’ai rien eu comme réponse » dit-il, « même pas un refus en bonne et due forme, non, du vent, un ministre évanescent »
Situation d’autant plus paradoxale que ces patrons avaient au début pensé que Moscovici servirait de contrepoids au redressement productif. C’est le contraire qui s’est passé. J’ai une demi-douzaine d’exemples de premiers contacts très orageux avec Montebourg, qui se sont finalement bien terminé. Carlos Ghosn, par exemple : « je me suis trouvé face à un homme qui voulait comprendre, et quand c’était fait, qui mettait son poids dans la bataille pour aider l’entreprise sur des enjeux très importants pour la France ». Ghosn ne le dit pas, mais on comprend que Montebourg a joué un rôle dans la négociation des accords de compétitivité. En revanche, PSA, dans la tempête, attendra en vain un mot de Moscovici pour calmer la fureur de Montebourg.
La gestion de la réforme bancaire reste, elle aussi, très étrange. Laissée entre les mains des parlementaires, ballottée entre l'assemblée nationale et le sénat, pour la plus grande joie, d'ailleurs, des lobbyistes bancaires. Elle remonte à quand la dernière prise de position ferme du ministre sur un texte pourtant fondamental ? (jusqu'à cette scène invraisemblable où l'on voit le président de la république promettre comme une avancée fondamentale sur les paradis fiscaux, des éléments qui ont déjà été votés par sa majorité)
Mais l’affaire Daily Motion est finalement le meilleur exemple de ce qu’est Bercy pour la gestion des dossiers business. Quand vous posez la question : « mais qui était en charge de ce dossier ? » vous n’obtenez aucune réponse claire. J’ai posé la question directement à Fleur Pellerin, je n’ai eu que des bras qui s’ouvrent et des yeux qui montent au ciel, quelque chose comme « tout le monde, personne, allez savoir »… on a l’impression que chacun laissait filer les choses, jusqu’à ce que Montebourg, encore lui, explose.
Et à ce moment-là, c’est bien Fleur Pellerin qui est montée en première ligne pour tenter de rassurer les investisseurs internationaux.
Mais finalement on ne vivait pas une situation bien différente du temps de Nicolas Sarkozy et de Christine Lagarde, qui n’était jamais, disons-le, qu’un formidable ambassadeur, et qui ne laissera son nom que sur une réforme du crédit à la consommation. Sauf que le ministre de l’économie, le vrai, était alors à l’Elysée, tout le monde le savait.
L’évanescence de Pierre Moscovici n’est qu’une illustration de plus d’un problème de pouvoir qui le dépasse. Lui donner un successeur ne règlera rien sur ce point.