« Ressources humaines : l’entreprise doit séduire par la liberté d’initiative et penser collectif »
Christian Davogne (fondateur de Carewan, Associé KPMG) et Antoine Burgermeister (Directeur général de RB Développement)
Dans les TPE, les PME et même les ETI, la gestion des ressources humaines version XXIe siècle exige une mutation et de nouveaux modes de pensée. Un entrepreneur passionné de transformation RH et un jeune dirigeant confrontent leurs sentiments.
Christian Davogne a rejoint KPMG en mars 2018. Il a créé et développé trois entreprises spécialisées dans les transformations RH, dont Carewan, et en a conseillé une trentaine d’autres à tous les stades de leur existence. Antoine Burgermeister était banquier d’affaires. En 2014, à 30 ans, il rejoint RB Développement à la demande de son père qui en est le fondateur. Forte de 300 employés répartis sur quatre usines, l’entreprise fabrique des portails, volets et garde-corps - sous les marques Jardimat et Aluconseil – et revendique 45 M€ de CA.
La vision du projet
Dans sa précédente vie, Antoine Burgermeister accompagnait des entreprises dans leur croissance, "mais avec un œil extérieur", précise-t-il. "À 30 ans, j’ai eu envie d’apporter ma pierre à un édifice industriel. J’ai quitté le monde de la finance pour entrer dans celui du concret, de la fabrication, du contact avec les employés. Ma vision du monde s’est alors beaucoup élargie." Il entraine avec lui un ami financier, alors installé à New York. Choc des cultures : "Ce qui nous intéressait, c’était le projet, pas le salaire ! Ce qui importait, c’était la vision de l’entreprise."
Le souffle de la découverte
La révolution entrepreneuriale est en marche et la génération d’Antoine Burgermeister est aux antipodes de la précédente. "Ce que nos collaborateurs recherchent, c’est une aventure, une expérience. Le nom des grands groupes peut attirer, mais il y a dans les PME et les ETI de très belles histoires à écrire, parce qu’elles sont humaines." Se pose alors la question du recrutement. "Tandis que les grands groupes attirent avec une marque et des avantages, PME et ETI séduisent avec ce souffle de la découverte, dit Christian Davogne. Quand on travaille pour une petite entreprise, on sait qu’on n’aura ni le meilleur salaire, ni les meilleures garanties, mais peut-être la liberté d’initiative et la chance d’intégrer une communauté."
La motivation salariale
Cette aventure ne peut cependant exclure définitivement la question des salaires. Pour soutenir une forte croissance, l’entreprise doit recruter des profils sur un mode de rémunération ‘décalée’ : "Si vous ne payez pas les collaborateurs pour ce qu’ils valent, ils n’auront pas le sentiment de participer à une aventure, ni d’en profiter, explique Christian Davogne. À nous d’inventer des rémunérations décalées, avec des stocks options, des primes, et faire en sorte qu’il y ait un vrai partage de la valeur. La génération nouvelle veut de l’équité, qui doit aussi se concrétiser sur le plan des revenus."
Être manager et DRH à la fois ?
Dans une petite entreprise, il n’y a souvent pas de DRH, tant le contact avec le manager est direct. Pour une structure de 300 salariés, l’idée parait moins évidente : c’est pourtant la norme chez RB Développement. "Antoine a raison de ne pas avoir de DRH, affirme Christian Davogne. Certaines petites entreprises ont des croissances fulgurantes car l’engagement des salariés est globalisé, et non pas mis en silo." Ici, une dizaine de managers assurent en direct la fonction de DRH pour mieux assurer la motivation des collaborateurs. "Ils ont besoin d’une proximité avec leurs équipes et seraient sûrement eux-mêmes moins impliqués si cet accompagnement RH incombait à d’autres services, estime Antoine Burgermeister. Nous sommes très peu robotisés et de ce point de vue, les échanges humains sont essentiels."
La nécessité de penser collectif
En théorie, il souffle un vent de motivation quand la DRH est tenue par les managers et les dirigeants. Reste à le faire pénétrer au sein de l’entreprise. "TPE et PME doivent donner à chacun la possibilité de décider d’actes concrets, prévient Christian Davogne. Car la génération nouvelle est désireuse d’être reconnue dans sa singularité." Mais quand un patron bien établi (de droit divin ?) voit débarquer un trentenaire qui pourrait lui apprendre l’avenir, l’affaire n’est pas gagnée. "La différence avec le XXe siècle, c’est qu’aujourd’hui, nous devons penser collectif. Cela suppose d’admettre le droit à l’erreur, de ne pas avoir les mêmes ressorts psychologiques dans les décisions. C’est là que l’accompagnement prend tout son sens. Si vous êtes du siècle dernier, vous ne réussirez pas dans ce siècle-là !", conclut Christian Davogne.