Start-up Tech en France : “la place des femmes progresse, mais le chemin reste long”
Nicolas Beaudouin est associé et directeur du développement Paris et Centre chez KPMG. Il présente le dernier baromètre StartHer-KPMG sur les levées de fonds des start-up Tech dirigées par des femmes.
Quel constat faites-vous sur la place des femmes dans le monde des start-up ?
Si la proportion de femmes qui dirigent des start-up technologiques ayant levé des fonds est quasiment stable en 2016 par rapport à 2015, leur nombre connaît une croissance importante (+85%). Les sommes levées représentent 7% du total pour un montant de 126,6 millions d’euros (près d’1,4 milliard d’euros levés par les start-up tech). Les choses progressent donc, mais lentement, et le chemin reste long.
Comment expliquer ce décalage ?
Sur la base du baromètre, la raison centrale de ce décalage tient sans doute à la différence entre les femmes et les hommes dans leur approche des levées de fonds. Quand on les interroge, les femmes indiquent en effet dans leur majorité que les tours de table leur servent à trouver les fonds dont elles ont besoin uniquement, tandis que les hommes, plus opportunistes, ont tendance à vouloir maximiser l’opération en levant le plus de fonds possible. C’est une différence significative que l’on retrouve d’ailleurs à tous les tours de table, et en moyenne les femmes lèvent 51% des montants levés par les hommes.
Est-ce un réel problème ?
Pas forcément, parce que lever trop de fonds c’est aussi s’exposer à une dilution importante et à la nécessité d’avoir des retours sur investissements à la mesure des montants levés. Etre capable de lever moins de fonds tout en étant performant, c’est aussi une manière de préserver la pérennité de la start-up et son indépendance. Lever moins de fonds peut donc être une stratégie alternative pour les femmes, ce qui peut rassurer les investisseurs.
Quels sont les secteurs où les femmes lèvent le plus de fonds ?
Traditionnellement, c’est dans l’internet et le e-commerce. Cependant en 2016, on a surtout constaté la montée en puissance des femmes dans l’électronique et l’internet des objets. Ce sont des secteurs d’usage par excellence, des thématiques dans lesquelles les femmes sont très bien placées et arrivent à présenter des projets ambitieux. Les femmes à la tête de start-up ont aussi percé dans le secteur des biotechs, où les équipes sont plus diversifiées, avec des femmes qui sont fondatrices ou qui sont appelées plus tard dans le développement en raison de leurs fortes compétences. En revanche, les choses stagnent dans les secteurs des logiciels et de l’informatique, ainsi que dans ceux des matières premières et de l’énergie.
Est-ce que vous pensez que cette situation va évoluer ?
Oui évidemment, car beaucoup est fait pour que les choses changent et de nombreux acteurs du secteur des start-up se mobilisent. Néanmoins, pour un changement en profondeur, il faut prendre le problème très en amont en valorisant des « role model », des exemples concrets de réussite féminine à partager avec les jeunes, à l’école ou à l’université, sinon nous n’avancerons pas beaucoup. N’oublions pas non plus que c’est une problématique pour notre économie : toutes les femmes qui dirigeront demain une entreprise créeront de la valeur et des emplois !