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Rafale en Inde: La polémique relancée

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- - Nicolas TUCAT / AFP

François Hollande a ravivé ce vendredi la polémique en Inde autour de l'achat de 36 avions de chasse Rafale en 2016. L'ex-président assure que la France n'avait "pas eu le choix" du partenaire indien du constructeur Dassault...

Les propos de l'ancien Chef de l'Etat faisaient la une de la presse indienne ce vendredi soir. Des propos qui viennent nourrir la controverse déclenchée l'année dernière par le parti du Congrès, la principale formation d'opposition. Le sujet a gagné en ampleur ces dernières semaines dans le débat politique du géant de l'Asie du Sud.

L'opposition indienne accuse notamment le gouvernement de Narendra Modi d'avoir favorisé le conglomérat privé d'un industriel présumé proche du Premier ministre. Le but aurait été de bénéficier d'une partie des "compensations" (ou "offsets") contractuelles de Dassault, au détriment de l'entreprise publique Hindustan Aeronautics Limited.

Des responsables indiens et français assurent que l'avionneur français a librement choisi de s'associer à Reliance Group, dirigé par le magnat Anil Ambani. Cette société n'avait pourtant aucune expérience préalable dans l'aéronautique.

"Nous n'avions pas notre mot à dire à ce sujet", assure François Hollande ce vendredi à Médiapart. "C'est le gouvernement indien qui a proposé ce groupe de services et Dassault qui a négocié avec Ambani". "Nous n'avons pas eu le choix, nous avons pris l'interlocuteur qui nous a été donné".

François Hollande use notamment de cet argument pour se défendre de tout possible conflit d'intérêts avec Reliance Group, qui a partiellement financé en 2016 un film de sa compagne Julie Gayet. "C'est pourquoi, par ailleurs, ce groupe n'avait pas à me faire quelque grâce quoi que ce soit. Je ne pouvais même pas imaginer qu'il y avait un quelconque lien avec un film de Julie Gayet". L'ancien Chef de l'Etat souligne que le nom de Reliance Group était apparu dans le cadre de la "nouvelle formule" de négociations sur l'achat de Rafale, décidée par le gouvernement Modi après son arrivée au pouvoir.

Interrogé pour savoir si l'Inde avait fait pression pour que Reliance Group soit partenaire de Dassault, François Hollande a répondu qu'il n'était "pas au courant". "Dassault est seul capable de le dire" a-t-il ajouté.

Des propos qui ont poussé le ministère français des Affaires étrangères et Dassault à réagir. Dans un communiqué, le Quai d'Orsay rappelle que cet accord portait "sur les seules obligations du gouvernement français de s'assurer de la livraison et de la qualité de cet équipement". "Le gouvernement français n'est en aucune façon impliqué dans le choix des partenaires industriels indiens qui ont été, sont ou seront sélectionnés par les industriels français".

Quant à Dassault Aviation, il explique dans un communiqué que le contrat avait été "établi de gouvernement à gouvernement". Le partenariat avec le groupe indien Reliance est "le choix de Dassault Aviation", précise encore l'entreprise française. Les deux sociétés ont construit à "Nagpur une usine pour produire des pièces de Falcon et de Rafale", a-t-elle rappelé.

Même son de cloche côté indien. Le ministère de la Défense répète sur Twitter que ni le gouvernement indien ni le gouvernement français n'avaient eu leur mot à dire dans cette décision commerciale.

Peu après l'officialisation de l'achat des 36 Rafale en septembre 2016, Dassault et Reliance Group avaient annoncé la création d'une coentreprise, Dassault Reliance Aerospace. La société française y a investi plus de 100 millions d'euros.

Les industriels étrangers obtenant des contrats d'armement en Inde doivent contractuellement réinvestir une partie des sommes perçues sur le territoire indien. Dans le cadre du contrat Rafale, ces "compensations" portent sur environ la moitié des quelque huit milliards d'euros payés par le gouvernement indien.

Le Premier ministre Modi veut remettre sur pied une armée indienne insuffisamment équipée, avec un arsenal de plus en plus obsolète face aux défis géopolitiques de l'Asie, notamment à l'affermissement de la puissance chinoise. Premier importateur mondial d'armements, l'Inde cherche via les "compensations" à faire naître une industrie de défense locale pour réduire à l'avenir sa dépendance vis-à-vis de l'étranger.

Sandrine Serais