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Assurance-vie: une nouvelle menace pour les épargnants?

14 millions de Français ont souscrit à une assurance-vie

14 millions de Français ont souscrit à une assurance-vie - Images of Money - Flcikr - CC

Le projet de loi Sapin II, examiné en deuxième lecture à l'Assemblée ce mercredi 28 septembre, prévoit de limiter voire d'interdire les retraits en cas de crise financière, ce qui contrarie les associations d'épargnants. Mais des exceptions pourraient être prévues dans la nouvelle mouture du projet.

Le gouvernement va-t-il s'attirer les foudres des épargnants? Ce mercredi 28 septembre, le projet de loi Sapin II est de nouveau examiné en séance par les députés. Un article de cette loi, le 21 bis, fait actuellement couler beaucoup d'encre. Celui-ci prévoit que le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) puisse, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, et après avis du collège de supervision de l'ACPR, le gendarme des banquiers et des assureurs, "suspendre, retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat". En clair, les épargnants ayant souscrit des contrats d'assurance-vie pourraient se voir forcés de patienter avant de pouvoir procéder à des retraits.

Certes cette possibilité n'est prévue "que dans le cas de menaces graves pour la stabilité du système financier ou la situation financière de l'ensemble des organismes", précise Romain Colas, rapporteur du texte à l'Assemblée et auteur des amendements en première lecture dont est issu cet article 21 bis. Et elle serait limitée à trois mois.

Panique bancaire

Cette mesure, qui s'appliquerait à tous les contrats d'assurance-vie, a en fait pour but d'éviter qu'en cas de crise financière ou de remontée forte et subite des taux des obligations d'État, dont les contrats d'assurance-vie sont remplis à ras bord, les épargnants ne se précipitent pour retirer leurs avoirs et créent l'équivalent d'une panique bancaire.

"Cet article prévu dans la loi Sapin II relève d’une attention noble qui est de s’assurer de la stabilité des compagnies d’assurance-vie. Mais les effets de cette intention sont techniquement erronés, socialement dangereux et politiquement funestes", regrette Gérard Bekerman, le président de l'Afer, la plus grande association d'épargnants avec 750.000 adhérents et 2 millions de bénéficiaires.

L'un des principaux reproches qu'il fait depuis plusieurs jours à cet article de la loi est qu'il ne prévoit pas explicitement certains cas particuliers. "Les retraits sont nécessaires pour faire face aux aléas de la vie: décès d'un proche, licenciement, baisse de revenus lors de la retraite", insiste le président de l'Afer. Sur ce point au moins il a été exaucé dans le courant de l'après-midi, mercredi. "Bercy nous a indiqué que l’article 21 bis allait être assoupli en prévoyant la possibilité d’interpeller le Haut conseil de stabilité financière pour tenir compte des cas exceptionnels de la vie courante", révèle-t-il.

"Un seul salut"

Romain Colas nous confirme en effet qu'il a déposé un amendement, qui sera examiné en séance, précisant que le HCSF, "s'il prend une décision macroprudentielle dans le secteur de l'assurance tient compte de l'intérêt des assurés, adhérents et bénéficiaires". "Cela offre une importante palette de possibilités et tient compte de nos échanges avec l'Afer", assure le député socialiste de l'Essonne.

Pas de quoi satisfaire Gérard Bekerman. "Je me félicite de cette avancée, mais j’espère être encore mieux entendu: un seul salut pour l’assurance vie, l’abrogation de l’article 21 bis inspiré par le député Romain Colas", affirme-t-il.

Le président de l'Afer maintient que ce texte est "techniquement erroné". "Les compagnies d’assurance-vie détiennent tous les moyens pour faire face à ce risque (de remontée des taux ou de crise financière) via ce que l’on appelle la réserve de capitalisation, alimentée par les plus-values obligataires encaissées lors des périodes de taux bas", explique-t-il.

"Un extincteur anxiogène"

"Le gouvernement prend une énorme responsabilité à un moment où il doit donner de la confiance, il sort un article de loi anxiogène, contre les épargnants", ajoute-t-il.

"Cela revient à considérer qu'un extincteur est anxiogène", répond Romain Colas. "Tant mieux s'il n'y aucune raison de s'inquiéter. Mais cette mesure permet de montrer que nous avons appris les leçons de la crise. Le premier intérêt de l'épargnant c'est bien qu'il ait la garantie que son capital soit préservé", insiste-t-il. Le député fait également valoir qu'avec tous les gardes-fous mis en place, il est quasi-impossible qu'une décision contraire aux intérêts des épargnants soit prise. "Il n'y a aucune raison de penser que les pouvoirs publics veuillent faire n'importe quoi. Quel ministre des Finances (le président du HCSF, ndlr) aurait intérêt à nuire aux assurés et bénéficiaires?"

L'article 21 bis comporte une autre mesure, moins en vue, qui permet au HCSF, dans les mêmes conditions que celles décrites précédemment de "moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices". Cette "provision pour participation aux bénéfices" (PPB aussi appelée provision pour participations aux excédents, PPE) est une réserve dont les assureurs se servent pour lisser les rendements, et éviter ainsi les périodes de vaches maigres. Si la mesure était appliquée, leurs marges de manœuvre se réduiraient. "Mais on pourrait aussi les obliger à être prévoyants", assure Romain Colas.