BFM Patrimoine
Patrimoine

Coronavirus: pour faire face à la crise, la tentation du retour de l'ISF

La création de l'IFI n'a pas corriger l'inéquité de l'ISF, selon un rapport de sénateurs

La création de l'IFI n'a pas corriger l'inéquité de l'ISF, selon un rapport de sénateurs - Damien Meyer - AFP

Les appels aux dons du gouvernement ont entraîné un mouvement de rejet d'une partie de l'opposition, qui brandit désormais un slogan commun : rétablir l'ISF. Une petite musique qu'on entend aussi chez nos voisins.

Plutôt discret depuis le début de la crise, le ministre de l’Action et des Comptes publics s'est attiré les foudres de l'opposition, lundi dernier, en lançant dans le Figaro un "grand appel à la solidarité nationale" dans le contexte de la crise. "Une plateforme de dons sera mise en ligne pour permettre à tous ceux qui le peuvent, particuliers ou entreprises, d’apporter leur contribution à l’effort de solidarité de la nation envers les plus touchés" a indiqué Gérald Darmanin.

Un appel aux dons très critiquée par l'opposition, de droite comme de gauche. Les premiers lui reprochant cette demande, alors que les prélèvements fiscaux en France sont les plus importants du monde. Les seconds rappelant que son gouvernement a largement raboté l'impôt sur la fortune (ISF), remplacé par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), faisant passer le nombre de ménages imposés de 360.000 à 130.000. Sur les réseaux sociaux, le ministre est donc accueilli par de nombreux messages pour réclamer le retour de l'ISF.

Le maintien de l'IFI a pourtant été un des sujets sur lesquels Emmanuel Macron a tenu lors de la crise des gilets jaunes. "Cette partie de la réforme, je juge de mon devoir de la défendre" expliquait-il lors d'une conférence de presse post grand débat national.

Le SPD allemand veut un ISF exceptionnel

La récession qui attend la France va-t-elle faire bouger les lignes? Pour le moment ni le président de la République ni le gouvernement ne s'inquiètent des coûts du sauvetage de l'économie. "Quoi qu'il en coûte" avait assuré Emmanuel Macron. Le coût sera énorme pour les finances publiques mais le retour de l'ISF reste totalement à l'opposé de la doctrine du gouvernement qui attend, au contraire, que les plus riches stimulent l'économie. Compte tenu des difficultés des entreprises, il est peu probable que cette doctrine soit remise en cause.

Pourtant, la mise en place d'un impôt exceptionnel fait flores à travers l'Europe. En Allemagne, la co-présidente du SPD (parti social-démocrate), le deuxième parti d'Allemagne et membre de la Grande coalition qui dirige le pays avec la CDU d'Angela Merkel, a ainsi proposé "un prélèvement spécial unique" pour financer le plan de relance. Là encore, la question du bien fondé d'un impôt sur la fortune divise la classe politique mais le contexte actuel peut faire bouger les lignes.

Taxer les riches? 2 Britanniques sur 3 sont pour 

De l'autre côté de la Manche, l'idée fait aussi son chemin. Début mars, un sondage pour The Independent montrait que 63% des Britanniques étaient favorable à une taxe sur les riches propriétaires immobiliers (plus d'un million de livres). En Espagne (où l'impôt sur la fortune existe toujours), le parti de gauche Podemos a aussi demandé une taxe de solidarité temporaire sur les gros revenus pour faire face à la crise. Une demande, pour le moment, rejetée par la ministre des Finances María Jesús Montero, qui craint une forte baisse des revenus. "En ce moment, au Trésor, nous nous concentrons sur les mesures visant à atténuer les effets économiques et sociaux du coronavirus" a-t-il simplement déclaré.

Une idée d'après-crise?

En Italie, la "Virus Tax", qui ne viserait que les plus riches, fait aussi beaucoup parler, créant de vifs débats entre les économistes. L'idée a été balayée par le gouvernement italien. "Il n'y a rien de plus faux" a ainsi tranché la vice-ministre de l'économie, Laura Castelli.

Aux Etats-Unis, la question de l'ISF, déjà lancé par les candidats de l'aile gauche du parti démocrate refait aussi surface tandis qu'au Brésil, où cette question est presque un tabou, les politiques s'en emparent.

En ces temps d'urgence économique, le retour de l'ISF en France ou dans d'autres pays ne peut pas être mis immédiatement sur la table. La première priorité est d'endiguer la crise. Mais après la fin de l'épidémie, quand viendra l'heure des comptes, nul doute qu'il réapparaîtra dans les débats.

Thomas Leroy