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Quatre types de placement à prendre avec des pincettes

Entre un Livret A et un LDDS qui ne rapportent plus que 0,50% et un taux de rendement moyen de l'assurance vie structurée à 100% de fonds euros qui pourrait s'établir à 1,40% en 2019, l'intérêt de disposer d'une épargne sécurisée s'étiole d'année en année.

Entre un Livret A et un LDDS qui ne rapportent plus que 0,50% et un taux de rendement moyen de l'assurance vie structurée à 100% de fonds euros qui pourrait s'établir à 1,40% en 2019, l'intérêt de disposer d'une épargne sécurisée s'étiole d'année en année. - Pixabay

Quand l'épargne sans risque est grignotée par l'inflation, que faire de son argent? Certains placements peuvent sembler prometteurs, soit pour des raisons fiscales soit par des rendements alléchants. Nos conseils pour éviter les mauvaises surprises.

Cela fait des années que, compte tenu de l'inflation, le Livret A ne rapporte rien. Mais son récent rabotage de 0,25%, faisant passer la rémunération de ce dernier de 0,75% à 0,50% éloigne un peu plus l'espoir pour les épargnants d'en tirer un quelconque profit. Sauf si vous envisagez de faire une grosse dépense à court terme, inutile donc d'y laisser dormir son épargne. 

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Mais pour le placer où? Entre un arbitrage opéré en fonction de la conjoncture d'un côté et des placements un peu trop alléchants pour être vraiment rentables de l'autre, la prudence s'impose. Les conseils de Bertrand Tourmente, fondateur d'Althos Patrimoine et de Benjamin Spivac, ingénieur patrimonial au sein d'Amplegest.

Les produits défiscalisants

Ils se nomment Pinel, Malraux, Monuments historiques, Fip, ou encore Sofica et ont un point commun: ils permettent d'alléger le fardeau des impôts. Des dispositifs proposés par l'Etat dont le but d'inciter les Français à investir dans certains domaines et de leur permettre de bénéficier, en contrepartie, de réductions d'impôts. Jusque-là rien à redire.

Dans le cadre d'un investissement immobilier locatif Pinel par exemple, la réduction de l'assiette fiscale peut aller de 12% à 21% du montant investi pour l’achat du bien sous plusieurs conditions (durée de location, état du logement, revenus des locataires, zone géographique du bien loué, montants des loyers, etc.). L'avantage: plus vous louez longtemps, plus la réduction d'impôts s'avère importante.

Autre produit de défiscalisation bien connu: le dispositif Malraux. A la différence du Pinel, il ne concerne que les logements anciens situés dans certaines zones protégées. L'idée? Vous inciter, en tant que propriétaire, à effectuer des travaux pour restaurer le bien en question et vous permettre, en retour, de bénéficier d'un régime fiscal plus doux si vous choisissez de mettre ce logement en location.

Là encore, les conditions pour y prétendre sont légion. Elles dépendent de la nature du bien possédé, de sa localisation, du locataire, de la durée de location, des dépenses effectuées et de la date où les travaux ont été réalisés. En fonction, votre cadeau fiscal peut aller de 22% ou 30% du prix de ces derniers (le tout en considérant un plafond glissant de 400.000 euros de travaux répartis sur quatre ans).

Deux dispositifs donnant-donnant qui, de l'avis de nos spécialistes, relèveraient davantage de la poudre aux yeux que de l'investissement vraiment rentable. Il ne faut donc surtout pas se laisser aveugler par l'économie d'impôt.

"Tout ce qui est défiscalisation -vu la couche de frais et le nombre d'intermédiaires - est à éviter. Dès lors que l'on effectue un investissement dans le neuf ou que l'on investit en LMNP par exemple (Loueur Meublé Non Professionnel – NDLR), on risque de surpayer le bien. De même dans l'absolu, il convient dans tous les cas de se méfier des dispositifs fiscaux comme le Malraux, ou les Monuments historiques. Il faut toujours garder à l'esprit l'écart de prix qu'il peut y avoir entre un logement neuf et un logement ancien. D'autant qu'il est très facile pour un professionnel de promouvoir ce type de bien ou de placement", assène Bertrand Tourmente.

Un point de vue que partage Benjamin Spivac pour qui le Pinel par exemple doit être étudié à la loupe. Les biens qui s'inscrivent dans le cadre de ce dispositif sont à ses yeux "devenus trop chers". D'où la nécessité d'aller "chercher dans des villes du 93" préconise-t-il. Pour que l'investissement (Pinel) soit rentable, il importe de bien se renseigner au préalable sur l'offre et la demande locative du bien visé (zone tendue ou non). Ne serait-ce que pour que les propriétaires ayant acheté trouvent effectivement des locataires preneurs.

"FIP, Sofica, Malraux, Monuments historiques… Je déconseille tous ces produits fiscaux qui ont plus de chance aujourd'hui de faire perdre de l'argent aux investisseurs que de leur en faire gagner", juge, par ailleurs, l'expert d'Amplegest.

Dans l'absolu, la rentabilité du Pinel par exemple dépend essentiellement de l'emplacement des biens concernés. En omettant de considérer ce point, le risque principal pour un investisseur tient au fait de ne pas réussir à louer son bien. En étudiant le prix comme il se doit au préalable (et en évitant des villes comme Paris où le prix moyen au mètre carré a atteint 10.767 euros en 2019 selon le Baromètre LPI-SeLoger. Soit 5,7% de hausse par rapport à 2018 et 28% depuis 2015), les risques se trouvent alors sensiblement diminués. Au point d'en faire un investissement bien plus intéressant que risqué dans la durée.

Les fonds euros de l'assurance vie

Le problème avec l'assurance vie constituée essentiellement de fonds euros, n'est pas tant qu'ils s'adressent aux épargnants détestant prendre des risques, mais la conjoncture qui en a réduit tout intérêt financier. Avec un taux de rendement moyen de l'assurance vie structurée à 100% de fonds euros qui pourrait s'établir à 1,40% en 2019 (contre 1,80% en 2018, selon la Fédération Française de l'Assurance), l'inflation (1,1% en 2019 et 1,5% en janvier 2020) et les impôts grignotent une épargne qui n'a même pas l'avantage d'être totalement liquide. Le rendement réel moyen de cette épargne sans risque devient tout simplement négatif. 

"Il faut arrêter de mettre son argent dans les fonds euros. La conjoncture fait que cela ne rapporte plus rien", confirme Benjamin Spivac. "Aujourd'hui, même avec un profil de gestion prudent, il ne faut pas mettre plus de 50% de fonds euros dans un contrat d'assurance vie. D'autant qu'une loi votée le 24 décembre dernier qui concerne les fonds excédentaires des assureurs les incite à renforcer leurs fonds propres. Ce qui envoie selon un mauvais signal en matière de stabilité financière".

Les fonds structurés

Par "fonds structurés" (également connus sous les noms de "fonds à formule" ou de "fonds à promesse"), il faut comprendre "fonds au rendement prédéterminé sur une période prédéfinie grâce à une formule connue à l'avance". Si cette définition apparaît tel un gage de sécurité pour les investisseurs, ce type de placement les séduits d'autant plus que les rendements définis au préalables sont souvent alléchants. A titre d'exemple, la Société Générale propose jusqu’au 31 mars 2020 un fonds à formule dont le taux de rendement (hors frais et fiscalité) peut, selon les scénarios, atteindre 8% si l'indice SBF® Top 50 ESG EW ne perd pas plus de 50% au bout de douze ans.

Le problème, c'est que les fonds en question sont par essence particulièrement sensibles aux évolutions des indices boursiers et que certaines formules ne garantissent pas le capital investi à l'échéance, alerte l'AMF. En outre, avec ce type de placement, l'investisseur a tout intérêt à conserver ses parts jusqu'à échéance. Faute de quoi, là encore, l'application de la formule n'est pas acquise. L'instance financière rappelle enfin que, selon les scénarios, les pertes peuvent être conséquentes.

Selon Bertrand Tourmente, ces produits doivent être abordés avec la plus grande prudence. "Il s'agit de formules assez simples. Le problème, c'est que ces fonds prévoient plusieurs scénarios avec un enrichissement différent en fonction du marché. Ce qui séduit avec les produits structurés, c'est que l'on regarde toujours le passé pour expliquer l'avenir. On vend aux investisseurs le passé pour présager du futur. Les belles promesses de formule se réalisent finalement assez peu. C'est un choix d'autant plus dangereux en fin de cycle", estime le fondateur d'Althos Patrimoine.

Les obligations

Certes, ce type de placement revêt l'avantage non négligeable de permettre aux investisseurs de percevoir un coupon (des intérêts) fixé au préalable à échéance fixe pour une durée déterminée. Sauf que dans l'absolu, le fait d'investir dans des obligations vous expose à des fluctuations à la hausse comme à la baisse. Et que les temps ont changé!

"Ces trente dernières années, les obligations cotées ont été très porteuses, mais il est vrai que maintenant que les taux sont négatifs, toutes les obligations risquent de perdre de la valeur en cas de remontée des taux", souligne Bertrand Tourmente. "C'est cela qui fait qu'elles se révèlent très dangereuses actuellement".

Même son de cloche du côté de l'un des plus célèbres investisseurs américains, Warren Buffett, qui, dans sa lettre annuelle publiée fin février, estimait que "si quelque chose de proche des taux actuels devait prévaloir au cours des prochaines décennies et si les taux d’imposition des sociétés restaient également près du faible niveau dont jouissent maintenant les entreprises, il était presque certain que les actions seraient bien meilleures au fil du temps que les instruments de dette à taux fixe (obligations de sociétés - NDLR)".

Résultat: si le fait d'investir dans des obligations s'est avéré historiquement profitable – qui plus est relativement peu risqué ces dernières décennies – les taux de rendement de cette classe d'actifs se révèlent désormais au mieux faibles, le plus souvent négatifs.

Au final, que cela soit lié à la conjoncture, à la faiblesse des taux d'intérêts ou qu'il convienne de les aborder tout simplement avec prudence pour sécuriser votre investissement, certains placements nécessitent tout simplement d'être considérés avec prudence en ce début d'année 2020 avant de faire le choix de les intégrer au sein de votre portefeuille.

Julie Cohen-Heurton