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Taux bas, coronavirus et krach boursier… Ces risques qui pèsent sur votre assurance vie

Compte tenu des règles prudentielles édictées par Solvabilité II, la collecte d'unités de compte coûte beaucoup moins cher aux assureurs.

Compte tenu des règles prudentielles édictées par Solvabilité II, la collecte d'unités de compte coûte beaucoup moins cher aux assureurs. - Pixabay

Avec la crise économique et le krach boursier, les souscripteurs de contrat d'assurance vie s'inquiètent. D'autant plus parmi ceux qui ont succombé à l'appel des actions juste avant l'arrivée du coronavirus.

Faut-il s'inquiéter outre mesure des tumultes conjoncturels liés au coronavirus lorsque l'on possède une assurance vie? Cette question, de plus en plus de détenteurs de contrats se la posent. Il faut dire que l'assurance vie, si elle continue d'être l'un des placements préférés des Français, n'a pas particulièrement ménagé leur moral ces derniers temps, encore moins leur portefeuille.

Entre des taux de rendement de contrats en fonds euros qui s'érodent au fil des ans (environ 1,40% en 2019, contre 1,80% en 2018) et la crise économique consécutive à la pandémie, les investisseurs ont toutes les raisons de s'inquiéter. D'autant qu'avant que le krach boursier qui a suivi la crise sanitaire n'affole les souscripteurs, ces derniers avaient largement été incités par les compagnies d'assurance à muscler leurs contrats en y intégrant un pourcentage plus important d'unités de compte. Et c'est bien là que le bât blesse…

La faute à Solvabilité II?

Sur le papier, les contrats d'assurance vie qui proposent des unités de compte, le plus souvent des OPCVM (Organismes de placement collectif en valeurs mobilières), permettent à leurs détenteurs de dégager un rendement bien supérieur à ceux servis dans les contrats essentiellement composés de fonds euros (essentiellement des obligations souveraines)… En contrepartie d'un risque de perte en capital.

Les taux de rendement des contrats en fonds euros sont aujourd'hui proches de zéro, une fois pris en compte l'inflation (ils sont même pour certains devenus négatifs). Les compagnies d'assurance ont donc tout intérêt à faire en sorte de réorienter l'épargne de leurs clients en incitant – notamment les nouveaux entrants – à prendre un peu plus de risque.

Compte tenu des règles prudentielles édictées par Solvabilité II, la collecte d'unités de compte coûte, en outre, beaucoup moins cher aux assureurs. D'où leur insistance. Le problème, c'est que depuis le début de l'année, les Bourses du monde entier s'affolent à cause du coronavirus. A titre d'exemple, la CAC 40 a perdu près de 30% depuis janvier. Si bien que cette réorientation stratégique de l'épargne des détenteurs de contrat d'assurance vie sème le trouble. Reste à savoir s'il faut ou non véritablement s'inquiéter pour son contrat sur le long terme.

Beaucoup de bruit pour pas grand-chose?

Pour Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne, il va s'en dire que les pouvoirs publics et les assureurs se sont attelés depuis plusieurs années à "réorienter l'épargne" des Français vers les actions. D'une part, parce que les taux d'intérêts sont bas, d'autre part, parce que cette approche très française visant à conserver son épargne sur des supports totalement dénués de risque se révèle bien moins lucrative pour les gestionnaires de contrats. Les assureurs vie en tête.

Le gouvernement cherche aussi à renforcer le financement des entreprises, notamment en réorientant l'épargne vers les unités de compte (largement composées d'actions d'entreprises). C'est, d'ailleurs, l'un des objectifs majeurs des mesures concernant l'assurance vie de la loi Pacte (la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises) promulguée le 22 mai 2019.

Mais Rome ne s'est pas construite en un jour et les Français continuent de miser bec et ongles sur les fonds euros. "Si on regarde les contrats d'assurance vie détenus par les Français, on est sur une proportion de 19% de part d'unités de compte et de 81% pour les fonds euros. Cela reste assez stable depuis de nombreuses années", explique Philippe Crevel.

"En outre", précise l'expert, "il faut conserver à l'esprit que les unités de compte sont essentiellement investies en obligataire et en monétaire. Du moins, une partie non négligeable. Si bien que l'exposition au risque sur les actions se révèle minime. Sans compter qu'en 2019, le CAC 40 avait augmenté de 26%. Donc là, on a simplement effacé l'année qui vient de s'écouler".

La restructuration attendra

Compte tenu de la nature même de l'assurance vie et de sa fiscalité avantageuse dès lors que l'on conserve son contrat au moins huit ans, ce placement constitue un investissement à long terme. Effectuer un arbitrage en récupérant sa mise par temps de crise n'apparaît donc pas particulièrement opportun.

"Il ne faut pas vendre à perte", rappelle le directeur du Cercle de l'Epargne. "Sauf si l'on si connaît un minimum en matière d'évolution des marchés et de stratégie financière et que l'on a eu vent d'une filière dans laquelle il faut absolument investir. (…) Après si on dispose de liquidités et que l'on a le cœur bien accroché, ça peut être le bon moment d'investir".

Julie Cohen-Heurton