Le sushi : un marché au bord de l'implosion
La France est le plus gros consommateur de sushis en Europe. Au début du siècle, trouver un restaurant japonais hors de Paris était mission impossible. Aujourd’hui, l’offre surpasse la demande, et la bulle dorée du sushi semble sur le point d’imploser.
En 2013, la France est devenue le premier consommateur de spécialités japonaises. Depuis, 22% des Français en mangent au moins une fois par mois. Produit tendance à la fin des années 1990, le sushi est désormais un produit accessible et intégré dans la gastronomie française.
Aujourd’hui, près de 50% des Français déclarent tout de même ne pas consommer de produits japonais. Sans grande surprise, ceux qui en mangent le plus sont les 20-34 ans, résidants le plus souvent à Paris ou en région parisienne. Une zone géographique où l’offre en restauration japonaise est bien plus développée et haut de gamme que dans le reste de l’Hexagone. Sur les 1500 restaurants japonais recensés en France en 2015, les deux tiers se trouvent en Île-de-France.
Malgré tous ces chiffres encourageants pour la restauration japonaise, les acteurs principaux du secteur en France sont en peine. En 2014, après une année difficile, Planet Sushi, le numéro deux du sushi en France, est placé en procédure de sauvegarde. Une procédure collective qui protège les entreprises en difficulté en suspendant le paiement de dettes à l'ouverture de la procédure. Charles-Henri Carboni, l’administrateur judiciaire en charge du dossier de Planet Sushi, déclarait "Seuls les plus costauds survivent", un constat validé par la disparition de certains acteurs comme la chaine Sushi West.
Même procédure de sauvegarde pour Matsuri, le professionnel du sushi haut de gamme, en 2015. Et malgré des offres promotionnelles et des réductions de prix à tout va, les enseignes sont contraintes de fermer plusieurs points de vente pour survivre. Ainsi, plusieurs grandes enseignes telles que le numéro trois du secteur, Eat Sushi, est passé de 35 points de vente en 2010 à 14 en 2015, alors qu’ils affichaient un objectif de 70 il y a de ça quelques années.
Tués par les corner shop
Les points de vente physique ont été mis à mal par les "corner shop", ou kiosques de vente. Les marques ayant fait le choix de vendre dans des kiosques en GMS (supermarchés et hypermarchés) ne connaissent pas la crise du sushi. Le précurseur de ce modèle de consommation, Sushi Daily, a atteint plus de 250 points de vente rien qu’en France, depuis son ouverture en 2010. Un modèle de business moins fragile, que les grandes enseignes n’ont pas jugé pertinent à la fin des années 2000.
En réussissant son pari, Sushi Daily a forcé toutes les grandes enseignes à s’y mettre. Aujourd’hui, même Sushi Shop, le n°1 du marché possède une trentaine de points de vente chez Leclerc, Monoprix ou Carrefour. Le concept cartonne, offrant une certaine transparence aux consommateurs : les sushis sont préparés sous vos yeux, comme pour insister sur le côté sain et naturel du produit.
Pourtant, la rentabilité n’est pas toujours au rendez-vous. La concentration des enseignes pose problème et les consommateurs ne savent plus où donner de la tête. La consommation de sushis repose alors bien souvent sur l’habitude, un amateur de sushis ne mangeant que là où il est sûr d'avoir de la qualité. Et bien que globalement, les sushis en corner soient moins chers, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, contrairement à Sushi Shop ou Matsuri.
L'effet de mode perdure chez les jeunes, notamment grâce à la livraison à domicile. Les plateformes de commandes comme Just Eat ou Deliveroo permettent une consommation à domicile accrue. Gregory Marciano, cofondateur de Sushi Shop constatait les avantages de ces modes de consommation nouveaux : "D’un côté la présence de sushis en GMS a permis de toucher une nouvelle clientèle, de l’autre ces plateformes permettent d’augmenter la fréquence et d’installer de nouvelles habitudes de consommation, favorables au sushi".
Les offres innovantes cartonnent
À la différence des corners en grande surface, Sushi Traiteur approvisionne directement les rayons des supermarchés. Depuis toujours, les sushis se mangent ultra-frais. Aussitôt fait, aussitôt consommé. Une règle qui peut s’avérer pénalisante pour les restaurants, qui ne peuvent pas préparer à l’avance les commandes, ou au contraire les préparer en avance et gaspiller les produits en trop.
Pour y remédier, Sushi Traiteur a trouvé une solution. Des produits à DLC plus longue, pouvant être vendus jusqu’à trois jours dans ses points de distribution. "Nous avons mis au point une recette afin de pouvoir garantir la fraîcheur des produits que nous proposons durant plusieurs jours, jusqu’à trois jours de conservation plus exactement. Ce ne sont que des produits naturels, pas de conservateurs, pas de produits chimiques", détaille Gaëtan, fondateur de Sushi Traiteur.
Moins de jours de production, et des produits à durée de vie plus longue, toujours aussi frais à la dégustation. Exit donc les produits fragiles tels que le foie gras ou l’avocat. La gamme proposée est plus classique que les autres enseignes. Sushi Traiteur livre quotidiennement ses sushis dans plus de 250 points de vente en France. Anna, une amatrice de sushis venue chercher ses produits dans un Franprix parisien, considère qu'ils sont "plus abordables en termes de prix, et le goût est tout aussi bon. En plus, si on en achète trop, les sushis auront le même goût le lendemain, c’est un gros avantage".
Le créateur de l’enseigne affirme être « livré tous les jours en poissons et légumes frais depuis Rungis. Nous utilisons environ 35 tonnes de saumon chaque année. Ils arrivent entier et sont découpés à la main par des personnes certifiées dans la découpe du saumon, car c’est un véritable métier qui s’apprend ». Les employés de la marque sont entièrement formés en interne, à la découpe du poisson et de légumes, au façonnage et à l'étiquetage des produits, et au respect des normes d'hygiène.
Une main d’œuvre de qualité qui se répercute forcément sur le prix des produits d’après le professionnel. Bien que chers, leurs sushis ont malgré tout un coût légèrement inférieur aux prix du marché. La jeune entreprise produit plus de 3 millions de sushis à l’année, et convainc de plus en plus de friands du sushi au portefeuille moins garni.