Le sort de la Grèce et de l'euro dans les mains de la BCE
Comme à plusieurs reprises depuis le début de la crise grecque, la Banque centrale européenne se retrouve avec le pouvoir de vie ou de mort sur l'économie grecque ce lundi 6 juillet. L'institution européenne devrait toutefois éviter tant qu'elle le peut une décision lourde de conséquences politiques.
Depuis son accession à la tête de la Banque centrale européenne, Mario Draghi n'a eu de cesse de jouer le rôle de pompier. Tout le monde a ainsi en mémoire sa phrase prononcée à l'été 2012, lorsqu'il déclarait que son institution était prête à faire "tout ce qui est nécessaire pour préserver l'euro".
Une phrase qui avait suffi à elle seule à sortir de la précédente crise qu'avait connue la monnaie unique, à l'été 2012.
Ces derniers jours, la BCE a plusieurs fois montré qu'elle était encore disposée à honorer cette promesse. Par plusieurs fois, elle ainsi eu l'occasion de couper l'ELA (Emergency liquidity assistance), la seule source de financement de l'économie grecque. A chaque fois, elle a opté pour le statu quo.
Une sortie indirecte de l’euro
Car arrêter l'ELA reviendrait de facto à condamner la Grèce. Ce programme permet d'accorder des prêts d'urgence aux banques de la zone euro connaissant des problèmes de liquidités de court terme, c'est-à-dire qu'elles peinent à trouver de l'argent frais. Ce qui est précisément le cas des banques grecques qui ont vu les dépôts de leurs clients, leur source traditionnelle de financement, fondre depuis le début de l'année. Les Grecs ont ainsi retiré plus de 30 milliards d'euros aux guichets de leurs établissements depuis le mois de janvier.
En l'absence de ces ressources, les banques grecques ne survivent donc que grâce à cette perfusion apportée par la BCE. "Si l'ELA est coupée cela revient indirectement à faire sortir la Grèce de la zone euro via un assèchement progressif des liquidités", explique Alan Lemangnen, économiste zone euro chez Natixis. "Dans ce cas, les banques grecques seront sans doute en faillite et il sera difficilement possible pour la Grèce d'avoir de l'euro en circulation. Il faudra ainsi créer une nouvelle monnaie pour payer les fonctionnaires, notamment", confirme Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel BGC.
Problème: "La BCE ne peut prêter de l'argent à une banque qui n'est pas solvable. Elle le peut si cette banque rencontre des problèmes de liquidités à très court terme, ce qui est le cas si on en croit le discours de la BCE", poursuit Alan Lemangen. Mais la solvabilité réelle de ces banques prête à débat. D'autant "qu'une crise de liquidité peut très bien se transformer en une crise de solvabilité. La faillite de Lehman Brothers est partie de là", rappelle Jean-Louis Mourier.
Une décision beaucoup trop politique
La BCE se retrouve ainsi devant une équation difficile à résoudre. Mais jusqu'à présent, elle refuse de débrancher la perfusion. Une position qui risque de durer, selon Alan Lemangnen. "Tant que des négociations continueront d'avoir lieu, la BCE continuera de maintenir le plafond des liquidités de l'ELA à 90 milliards d'euros".
Pourquoi? Car stopper ce mécanisme "est une décision beaucoup trop politique pour la Banque centrale européenne qui a une responsabilité démocratique restreinte. Concrètement elle se limite au fait suivant: Mario Draghi fait un discours par trimestre devant le Parlement européen", indique l'économiste de Natixis.
De fait, la BCE ne peut prendre une décision forte sur ce dossier qui si elle obtient un soutien certain et unanime de la part des institutions européennes (Eurogroupe, Conseil européen). Or celles-ci sont "inefficaces à réagir en période de crise à cause de leur mode de vote qui repose sur l'unanimité", relève Jean-Louis Mourier.
La BCE fait donc face à une décision censée être avant tout technique mais qui se révèle au final politique. Et la gardienne de l'euro ne peut prendre une décision qui reviendrait de facto à acter la première sortie de l'union monétaire.