l'OPEP des Télécoms
Et si les opérateurs telecoms adoptaient enfin une logique de compagnie pétrolière ? Elle pourrait se dessiner à travers les informations apportées ce matin par Le Financial Times. C’est sans doute leur seule planche de salut
Cette idée de regrouper les infrastructures télécoms a émergé lors d'une réunion entre le vice-président de la Commission européenne, Joaquin Almunia, et les dirigeants des plus grands groupes de télécoms européens dont Deutsche Telekom, France Télécom, Telecom Italia et Telefonica, selon le quotidien économique.
Interrogé par l'AFP, France Télécom a confirmé la tenue d'une telle réunion mais n'a pas souhaité commenter ce qui s'y était dit.
De son côté, un porte-parole de Deutsche Telekom à Berlin a également indiqué à l'AFP qu'une réunion avait bien eu lieu "fin novembre/début décembre" à Bruxelles avec M. Almunia" (AFP)
Pour bien comprendre de quoi l’on parle vous pouvez aller lire la chronique quasi quotidienne de l’effondrement des équipementiers telecom, le premier maillon de la chaine. (je vous en ai mis une page, là ) avec Alcatel, dernière victime en date d’une liste déjà longue
Cette liste est au cœur des préoccupations des historiques opérateurs de réseau, Orange pour être clair et pour ne regarder que la France, ne serait-ce qu’en raison de la pression politique qui pèse sur ses épaules pour soutenir les ruines industrielles d’Alcatel.
Pourtant ces opérateurs, n’ont certainement pas besoin d’une charge supplémentaire. Dès 2008 Didier Lombard, alors patron de France Telecom expliquait très clairement les conséquences de ce qu’il appelait « l’exadéluge », le déluge de données qui allait obliger les opérateurs à investir encore et encore, sans récupérer la valeur nécessaire pour le faire (et un petit lien Amazon, par pure provocation)
Il désignait alors ses principaux et nouveaux concurrents : ceux que l’on appelle les OTT, Over The Top, pour faire vite Google, Amazon, Facebook, Apple (« il n’y a que des voitures américaines sur nos autoroutes » disait aussi Lombard), et lançait une stratégie de course de vitesse pour tenter de les rattraper, tant sur le contrôle d’un certain nombre de contenus (droits du football) que sur la technologie elle-même (des idées formidables d’un moteur de recherche d’images qui allait détrôner Google) Cette stratégie fut une catastrophe.
Y avait-il moyen de faire mieux ? De sortir quand même « par le haut », pour aller récupérer un peu de valeur ? Certains le pensent encore (récemment avec le contrôle de Dailymotion ou Deezer).
On est obligé alors de citer Einstein, « la folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent »
Parce que l’on peut aussi sortir par le bas. Retourner dans les trottoirs, valoriser ce qui est quand même la première des ressources de l’économie de ce nouveau siècle : le réseau
Là encore, des souvenirs, ceux d’un cadre dirigeant d’Orange, il y quelques années, en Californie, avec les OTT, justement. « You, Telcos, you will get out of the way » , voilà ce qu’il entend, « but WE ARE THE WAY » a-t-il répondu, éclat de rire général ! Il est peut-être temps de l’entendre maintenant.
Il s’agit de rappeler qu’Internet c’est D’ABORD un réseau. Pas d’abord Google. A tel point que « le géant du web » commence à fabriquer ses propres éléments de réseaux (quelques éléments, là) . Vouloir nous faire croire le contraire, c’est l’arnaque la plus invraisemblable de ces dernières annéesSi c’est bien dans le contrôle de la donnée numérique que réside une grande partie de la puissance économique future, si la « data est le pétrole du XXIème siècle » alors pourquoi ne pas regarder l’histoire des compagnies pétrolières ? Comment elles ont pris le contrôle de l’ensemble de la ressource, avec le soutien des Etats avides de puissance, faisant taire, les uns après les autres, les régulateurs et les concurrents qui refusaient leur cartel.
Comment elles ont convaincu les autorités politiques que ce « bien essentiel » devait échapper au jeu classique de la concurrence. On veut faire payer le consommateur ? Mais c’est alors accepter que beaucoup n’y auront tout simplement pas accès
Ce qui est frappant, dans les informations du FT, c’est que c’est la commmission européenne elle-même qui décide maintenant de présider à des discussions. Une formidable prise de conscience, qui dit aussi, sans doute, l’urgence dans laquelle nous sommes.