Le piège fiscal
Il est en train de se refermer sur la démocratie
Christine Lagarde en son temps avait parlé de « niches galopantes ». En regardant le palmarès annuel des niches fiscales diffusé au moment de l’ouverture de la discussion budgétaire, on comprend que les chevaux sont effectivement lâchés. Que certains même se sont emballé, plus aucun contrôle politique ou parlementaire, quand des sommes, d’une année sur l’autre peuvent être multipliées par deux.
Et bien, l’administration fiscale elle-même a visiblement fait ce constat. Tout indique qu'à l'image de l’ordinateur du vaisseau 2001 Odyssée de l’espace, elle a décidé par elle-même de freiner le galop.
Car c’est bien le crédit d’impôt recherche qui explose dans les prévisions, à quasiment 6 milliards contre 3,3 cette année. Or, notre débat politique est à ce point vicié, truqué, absurde, quand on parle des entreprises, que l’on a fait de ce CIR un « totem ». L’expression est du député Hervé Mariton. Il a raison. Le consensus, c’est que toucher à cette niche, c’est commettre un crime de lèse innovation. Ça n’est évidemment pas si simple. Mais les responsables politiques sont piégés par les mots. Même ceux qui ne comprennent rien à l’entreprise ont sanctifié ces trois lettres.
Comme ils sont piégés sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Ils voient bien tout l’intérêt qu’il y aurait à revenir dessus, mais ils le jugent impossible politiquement. Comme la majorité précédente s’est piégée sur la TVA restauration. Etc, etc… L’économie est prise en otage
Et l’administration est en train de réagir. On me dit à Bercy qu’il faut chercher là l’explication de la multiplication de ces contrôles, justement liés au CIR. Une administration qui vient faire le boulot que n’osent plus faire les responsables politiques, qui contredit même les consignes de mansuétude donnée par les ministres, mais une administration qui agit dans l’improvisation, l’arbitraire, l’incompétence.
Tout le monde est piégé dans cette affaire, même les patrons qui constatent qu’il faudrait redessiner les contours du CIR.
Les chiens des niches aboient tellement fort qu’on ne peut plus les faire taire, la cacophonie est propice à toutes les dérives, elle nourrit le sentiment d’injustice entre ceux qui peuvent se frayer un chemin dans le maquis, parce qu’ils en ont les moyens, et ceux qui subissent sans avoir le temps d’agir. On pourrait filer la métaphore, ces chiens sauvages sont en train de dévorer le pouvoir parlementaire. Tenez, je n’ai pas d’avis sur le Diesel, vraiment pas. Je constate simplement que le gouvernement est totalement paralysé sur l’idée de toucher à la niche fiscale dont il bénéficie, parce qu’elle tient des pans entiers de l’activité. Et l’outre-mer…
Situation invraisemblable et désarroi profond. D’où cette idée du blocage institutionnel à l’américaine qui viendrait comme un électrochoc ultime.
Une idée à la con, mais qu’avons-nous d’autre, à ce stade ?