Antoine Bernabeu (Associé KPMG) "La PME qui vise une croissance externe doit clairement établir sa stratégie"
Toute entreprise ambitieuse peut rêver de croissance externe. Sa survie pourrait même en dépendre. Quel que soit le scénario, le jeu de la fusion acquisition ne s’improvise pas : selon KPMG, il détermine la capacité d’une PME à franchir le cap vers l’ETI, ces entreprises de taille intermédiaire qui manquent tant à la France.
En matière de fusion acquisition, 2017 a été une année exceptionnelle en France. Un climat économique favorable, un marché porteur, des liquidités disponibles sur le marché, des taux d’emprunts faibles, ont contribué à cette situation qui se confirme au regard des premières tendances pour 2018. Les entreprises françaises ont largement participé au dynamisme du secteur fusion acquisition en 2017. Les transactions en France ont progressé de 44% en valeur.
Acheter des compétences et élargir sa zone d’influence
Mais quelles raisons poussent les PME en particulier à réaliser des opérations de croissance externe ? "Deux approches motivent les dirigeants, explique Antoine Bernabeu, Associé KPMG. Défensive d’abord : face aux activités et aux technologies disruptives, la PME a besoin de trouver des relais de croissance ou acquérir des technologies pour survivre. Elle le fait soit par une R&D en interne, et cela prend beaucoup de temps, soit par acquisition externe. L’approche offensive est, elle, dictée par l’ambition de s’ouvrir sur de nouveaux marchés pour se diriger, à terme, vers le cap de l’ETI." Ainsi, une PME locale étendra son maillage géographique en France et/ou à l’international.
Quant au risque…
- à quel stade de sa maturité la PME doit-elle se lancer ?
- "Dès qu’elle a besoin de faire le saut technologique, dès qu’elle voit où en est la concurrence, dès qu’elle se sent à l’étroit sur son marché."
- Cela ne s’improvise pas…
- "Non, c’est un travail sur six à douze mois en moyenne."
- Et la prise de risque est réelle…
- "Le risque est le quotidien des dirigeants."
Une vision claire et beaucoup de préparation
Une fusion acquisition doit s’inscrire dans un projet global et il est indispensable que la stratégie du dirigeant soit claire. "La croissance externe doit créer de la valeur pour la PME qui s’engage, dit Antoine Bernabeu. La PME doit s’assurer que ‘1+1=3’, que les synergies en terme de chiffre d’affaires et/ou de coûts seront supérieures à la simple addition des 2 entités rapprochées."
Les opérations de fusions acquisitions sont d'une extrême complexité du fait non seulement du nombre d'acteurs intervenant lors de ces opérations et qui n'ont pas nécessairement les mêmes objectifs, mais aussi en raison du nombre d'éléments induisant un "risque d'erreur" pour les parties et qui demandent d'importantes vérifications et négociations. Cette complexité est réelle et difficile à maîtriser. Pour preuve, on estime qu'aujourd'hui plus de 50% des opérations de fusions acquisitions échouent, dans la mesure où elles ne créent pas de valeur supplémentaire.
D’où l’importance de l’audit d’acquisition pour déterminer la capacité d’absorption, et des analyses, financière, juridique, RH, environnementale. "Notre rôle est d’accompagner le dirigeant sur tous ces aspects et d’anticiper les risques, mais aussi d’identifier les opportunités", précise Antoine Bernabeu.
Quant au succès…
- Qui prend la décision d’une fusion acquisition ?
- "Cela dépend de la gouvernance, c’est en tout cas une décision managériale."
- Une fusion acquisition réussit-elle toujours ?
- "On considère qu’une opération sur deux échoue car elle ne crée pas de valeur supplémentaire, souvent parce qu’elle a été mal préparée. Un bon accompagnement est primordial."
Financement : le nerf de la fusion acquisition
À l’évidence, mieux vaut avoir une santé financière saine pour engager une opération de croissance externe, du moins afficher une capacité d’endettement suffisante pour faire appel à des sources de financement externe. Le choix du financement s’avère plus délicat pour une PME familiale : "En l’absence d’un prêt bancaire consenti, l’ouverture du capital génère une dilution qui rebute le dirigeant, car une partie du patrimoine va échapper à la famille, explique Antoine Bernabeu. Mais si cette ouverture génère de la valeur, le calcul doit être reconsidéré : vaut-il mieux posséder 100% de 1 000 ou 80% de 1 500 ?"
Quant aux start-up…
- Les start-up réalisent-elles de la croissance externe ?
- "Rarement à leurs débuts ; elles cherchent d’abord à générer du chiffre et à financer leur croissance organique."
- Sont-elles des cibles de la fusion-acquisition par les PME ?
- "Elles sont surtout visées par les grands groupes, pour acquérir une technologie qu’ils n’ont pas le temps de développer."
- Elles échappent souvent aux investisseurs français…
- "Les investisseurs étrangers viennent chercher nos pépites, parce qu’on a un savoir-faire. Mais elles apprennent à résister à cette tentation."
- Par quels moyens ?
- "En se structurant mieux, notamment sur le plan managérial et financier. C’est ainsi qu’elles franchiront le palier vers l’ETI."