François Bloch (KPMG) et Jean Canzoneri (Ogury) « La scale-up doit s’ouvrir aux compétences et à l’innovation »
La 3e édition des Scale-Up Awards, organisée par CroissancePlus et KPMG, s’est tenue à Deauville le 5 avril. Le prix de la Scale-Up de l’Année a été attribué à la société Ogury, spécialiste des comportements et des données de navigation sur mobile. Interview croisée pour mieux comprendre le modèle…
On connaissait la start-up, mais la scale-up ? « C’est une entreprise en hypercroissance, et c’est un modèle qui me plaît, explique François Bloch, Directeur Général de KPMG. On parle souvent des start-up et la France a bien prouvé qu’elle était une nation en pointe. Mais passé ce stade, quelle est l’étape suivante ? Une start-up qui a démontré son business model peut passer le cap de la scale-up, tout comme une PME avec un projet innovant ou un nouveau marché. Et le Graal, c’est lorsque la scale-up devient une ETI. »
Une adaptation permanente
Selon l’usage, il est convenu qu’une scale-up génère un chiffre d’affaires d’au moins 3 à 5 M€ et emploie plus de 50 à 70 salariés. Les Scale-Up Awards imposent quant à eux un minimum de 8 M€. De par sa forte croissance, la scale-up relève d’un modèle particulier, doit réfléchir différemment et prévoir davantage l’avenir. « La scale-up réclame une adaptation permanente des équipes, du comité de direction, de la gouvernance, et c’est parfois un crève-cœur de faire évoluer l’équipe de copains qui, souvent, a créé la start-up, explique François Bloch. La scale-up n’a pas le choix, c’est un facteur primordial pour accélérer et foncer. »
Les compétences externes, un moteur
Chez Ogury, Scale-Up de l’Année 2018, avec plus de 200 salariés dans 120 pays et un CA autour de 100 M€, l’équipe de copains demeure, mais « à partir d’un certain seuil, on a fait venir des compétences extérieures pour renforcer des missions qu’on ne savait pas mener, raconte Jean Canzoneri, son dirigeant fondateur. Cela se fait souvent au feeling, on sait qu’on aura besoin de seniors, que l’organisation peut devenir plus compliquée… Ce sont parfois nos salariés qui demandent cette aide. » La difficile gestion de l’hypercroissance réclame de l’anticipation, mais aussi « de bonnes intuitions et un facteur chance », estime François Bloch. Elle implique d’embaucher des profils dotés de compétences parfois plus pointues que celles des dirigeants eux-mêmes, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes. « Cette vision de l’entreprise, cette culture de la prise de risque permanente, voir loin et donner du sens, permettent d’attirer justement des talents. Et c’est le premier moteur d’une scale-up », justifie François Bloch. Et peut-être aussi trouver de l’argent frais ?
Financements ou bénéfices ?
Selon une étude menée par KPMG avec l’Ifop, 67% des scale-up auraient, à ce stade de leur développement, déjà les financements bancaires nécessaires. Commentaire de François Bloch : « Une façon de se financer, c’est aussi de gagner de l’argent ! Il ne faut pas oublier que la plupart des scale-up sont bénéficiaires depuis le départ. Bien sûr le bénéfice permet de faire face aux besoins de fonds de roulement, mais il ne suffit pas et d’autres levées sont nécessaires. »
Rester fidèle au modèle
Une dose substantielle de compétences, des bénéfices autant que possible, un zeste de financement… L’horizon des scale-up paraît dégagé. L’entreprise qui croît rapidement doit cependant rester centrée sur son produit et ne pas se disperser : « Être fidèle à son modèle de départ, mais aussi s’ouvrir à l’innovation, à la collaboration et au conseil », analyse François Bloch. Et ne pas tout gérer dans son coin. Pour Jean Canzoneri, « il est nécessaire de s’entourer et de chercher ailleurs certains savoir-faire. Ce n’est pas notre métier de réaliser un audit ou une expertise juridique. »
Ni trop, ni trop peu !
Voilà donc la scale-up condamnée à progresser par aspiration de génies extérieurs. « Elle ne doit jamais cesser d’innover, conclut Jean Canzoneri. Le marché va très vite et nous devons sans arrêt réinvestir dans le produit. Nous avons une équipe d’environ 70 développeurs et nous la doublerons d’ici à 2019. C’est une course sans fin. » Attention cependant à ne pas aller trop vite, car l’autre écueil, conclut François Bloch, « c’est de mourir d’obésité ! ».