Jean Canzoneri (Ogury) « Exploiter les signaux faibles pour devenir un géant de la data »
L’hypercroissance et la rentabilité de son entreprise lui ont valu le prix de la Scale-Up de l’Année 2018 décerné par KPMG. Jean Canzoneri, CEO et co-fondateur d’Ogury, revient sur le parcours et les atouts qui distinguent cette start-up spécialiste des comportements et des données de navigation sur mobile.
Quelle est la nature de l’activité d’Ogury et sa différence ?
"Il y a un peu plus de 4 ans, après déjà plusieurs années à naviguer dans le digital et le secteur AdTech, mon associé - Thomas Pasquet - et moi-même avons été confrontés à une réalité frappante : les nouveaux géants côtés sont ceux qui ont investi dans la data et ont compris qu’elle serait un enjeu clé du futur. “Data is the new oil” comme dit désormais l’adage. Quand nous avons constaté les besoins sur le marché de la data mobile et l’absence d’acteurs pour les exploiter, nous nous sommes dit qu’il y avait une opportunité à saisir et c’est là qu’est né Ogury.
Ogury a développé une technologie unique qui traduit les signaux faibles récoltés sur des millions de smartphones, après consentement des utilisateurs seulement. La précision est fondamentale et nous différencie largement à l’heure où tout le monde tente de se mettre aux normes du RGPD. Notre autre différence, c’est que nous ne vendons pas de la data, mais des produits avec data intégrée. Nous récoltons des données de qualité et nous en générons à travers nos suites de solutions créées pour les exploiter”.
Que sont ces "signaux faibles" évoqués ?
"Ce sont des signaux ambigus, estimés sans intérêt par d’autres, car non intrusifs dans la vie privée de l’utilisateur, non exploitables en l’état. Sauf à les interpréter. C’est ce que nous faisons en les "désambigüisant" pour en tirer des éléments de très grande valeur."
Comment Ogury se rémunère-t-elle ?
"Ogury propose l’accès à des informations autorisées par 400 millions d’utilisateurs. Elle vend ses solutions à de grandes marques, avec des campagnes ciblées et une précision que même Facebook n’offre pas. Elle exploite aussi des études et une plateforme statistiques. Ces suites de solutions permettent aux clients d’identifier leurs parts de marché, les audiences partagées avec leurs concurrents, les produits qu’ils devront développer…"
Au bout de 4 ans, Ogury va déjà atteindre les 100 M€ de chiffre d’affaires. Elle est désormais classée dans la catégorie scale-up. Quelle en est votre définition ?
"À mon sens, la scale-up est une start-up qui a trouvé son business model et qui le déploie à plus grande échelle. On ne parle plus de chiffre d’affaires ou d’effectifs, mais de profondeur de marché. Si la start-up se structure pour entrer sur un marché potentiel de plusieurs centaines de millions d’euros, alors je la considère comme une scale-up."
À quelle étape avez-vous considéré Ogury comme une scale-up ?
"Le basculement, c’est quand nous, fondateurs, n’avons plus pu gérer seuls toute l’entreprise, quand nous avons dû recruter des seniors de haut niveau. Cela prouve que la structure grandit, que l’activité et les enjeux grossissent, qu’il faut l’accélérer."
Vous avez donc recruté des compétences externes. Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
"Nous étions en construction, peu attractifs au départ. Nos ambitions n’étaient pas totalement démontrées. Pourtant, nous avions besoin de très hauts profils pour les assumer, ingénieurs informaticiens, développeurs, directeurs techniques. Il fallait les trouver sur un marché tendu et concurrentiel. Maintenant, Ogury est visible et c’est plus facile. Nous sommes un gros recruteur d’ingénieurs IT en France et le nombre de nos développeurs doublera d’ici à 2019."
Bénéficiaire dès la première année, Ogury a levé environ 30 M€ depuis sa création. Quel est le secret à ne pas dévoiler ?
"C’est une exécution financière précise et une croissance prudente, mais sans nous brider. C’est une efficacité maximum avec les ressources disponibles, des embauches raisonnables, la maximisation de chaque euro investi, l’obsession de ne rien gaspiller. Heureusement, avec une hypercroissance et des résultats, l’accès aux financements devient plus facile. Ogury a levé des fonds pour avoir les moyens de ses ambitions aux États-Unis. Elle n’en a pas besoin aujourd’hui, ce qui n’exclut pas d’y avoir recours pour des opportunités de croissance externe."
Quelles sont les perspectives d’Ogury dans les cinq ans ?
"Devenir un géant européen de la data et de l’intelligence artificielle. Avec le volume et la qualité de nos datas, beaucoup d’applications restent à inventer s’il y a un marché. Et nous avons plein d’idées. Puis nous continuons à ouvrir des bureaux, en Allemagne notamment. Nous serons plus de 300 en 2019 et visons le milliard de chiffre en 2022. Notre culture de l’entreprise résume notre ambition : c’est la notion d’"extra mile", où chacun doit faire un pas de plus. Si 200 personnes le font, ça change tout."