Emmanuel Macron face à une rentrée sociale plus compliquée que prévue
Edouard Philippe a commencé à préparer le terrain : subvention des heures supplémentaires, cessez le feu sur les arrêts maladie, « point d’étape sur la retenue à la source », le Premier ministre sait qu’il faut déminer la rentrée sociale.
Premier des sujets explosifs de cette rentrée sociale : la prise en charge par les entreprises et non plus la sécurité sociale des arrêts maladie de moins de huit jours (très exactement du quatrième au septième jour, après le délai de carence, idée suggérée par la ministre de la santé au cœur de l’été). François Asselin, président de la CPME avait été très clair la semaine dernière sur BFMbusiness : « Non, non, et non, ce sera un triple non, et croyez bien que c’est un sujet que je vais aborder avec pugnacité », « ce serait une double peine inacceptable » ajoutait Patrick Martin, le nouveau numéro 2 du MEDEF, « les arrêts maladie de courte durée perturbent déjà énormément la production des entreprises, nous les faire payer en plus serait invraisemblable et représenterait une charge de 900 millions d’euros ».
Raison avancée par le ministère de la santé : les arrêts maladie de courte durée augmentent fortement du fait du recul de l’âge de départ en retraite (les seniors sont plus fragiles) et du manque d’effort des entreprises sur le dossier de la pénibilité. « Nous ne nions pas le problème », admettait François Asselin « mais ces arrêts maladie, ce ne sont pas les entreprises qui les signent, ce sont les médecins », manière de dire qu’il faudrait peut-être davantage en contrôler la motivation, et que le sujet mérite une large consultation, pas une mesure brutale. C’est la piste suivie par Edouard Philippe : « tous les acteurs du système doivent se mettre autour de la table », a-t-il dit hier, excluant l’idée d’un transfert brutal du financement vers les sociétés.
Le patronat « pugnace »
Et dans la foulée la CPME compte bien mener une autre bataille : la retenue la source. Parce que là aussi la donne a changé cet été. Gérald Darmanin a annoncé que les entreprises de moins de 20 salariés seraient finalement déchargées du prélèvement de l’impôt sur le revenu. C’est l’URSSAF qui en fera le calcul, comme elle le fait déjà pour l’ensemble des charges sociales : « très bonne nouvelle » dit François Asselin, « mais on nous disait que c’était impossible. Donc j’attends maintenant du gouvernement qu’il m’explique pourquoi c’est soudain possible, et surtout, pourquoi ça n’est possible que pour les entreprises de moins de 20 salariés. Parce que si c’est possible pour les petites, je ne vois vraiment pas pourquoi ça ne le serait pas pour les grandes ».
Là-dessus la CPME pourra trouver l’appui du MEDEF, le nouveau patron des patrons, Geoffroy Roux de Bézieux en avait fait son cheval de bataille ces deux dernières années, il reste convaincu que c’est une source de tension dans les entreprises qui pourrait avoir de graves conséquences. Là encore Edouard Philippe entrouvre une porte en concédant qu’il fallait « faire le point » dans les prochaines semaines. Dernier dossier sur lequel le patronat sera « pugnace » : l’éventuelle taxation des contrats courts dans le cadre d’une réforme de l’assurance chômage.
Les syndicats attendent une revanche
Le gouvernement décide d’avancer sur un autre terrain, celui des heures supplémentaires. Sans aller aussi loin que Nicolas Sarkozy, il confirme qu’elles seront exonérées de toutes charges sociales dès le 1er septembre 2019. Une mesure à 2 milliards d’euros en année pleine que devraient saluer les chefs d’entreprise, les syndicats restant plus mesurés sur ce dossier Des syndicats qui restent très amers après les deux lois Pénicaud et la réforme au pas de charge de la SNCF : « comme le disait un syndicaliste malheureusement disparu, il va nous falloir du grain à moudre pour la rentrée » nous dit un membre de la CFDT.
Car le rapport de force pourrait se modifier, Force Ouvrière a pris un très net virage vers la contestation et la CGT pourrait se trouver finalement moins isolée qu’au printemps. Or le gouvernement n’a pas de « grain à moudre ». Le ralentissement de la croissance lui impose d’être intransigeant s’il veut maintenir ses objectifs de déficit publics, et donc de poursuivre la réforme des APL (1 milliard de moins en 2019), la réduction des emplois aidés (200.000 contrats en 2018, 100.000 tout au plus en 2019, affirment plusieurs sources) et les réductions de postes dans la fonction publique ( 4500 postes supprimés en 2019 dans la fonction publique d’état).
Avec la subvention des heures supplémentaires, le gouvernement fait le choix de privilégier le pouvoir d’achat des salariés alors que la phase d’expansion économique donne des résultats décevants sur le front du chômage. Un choix évidemment discutable et qui est déjà discuté. Autant dire qu’Edouard Philippe va devoir faire preuve d’habileté cette semaine, en recevant l’ensemble des partenaires sociaux, pour ne pas alourdir un peu plus le climat déjà chargé de la rentrée politique.