Les 4 vérités de Louis Gallois
Tout est écrit dans le rapport Gallois. Toutes les phrases dont rêvaient les industriels sont bel et bien là. Elles sont noyées au milieu d'éléments de compromis, sans doute le prix à payer
J’allais écrire « les défaites de Gallois », et puis Jean Marc Daniel m’a raconté l’histoire du « rapport Mc Cracken », ancien conseiller de Nixon. Il écrit en 1977 un rapport que tout le monde juge « convenu » pour le compte de l’OCDE. Il s’agit de dénoncer l’inflation mondiale comme mode de croissance. Il s’avère qu’au cœur de ce rapport, un certain nombre de vérités seront finalement mises en œuvre et changeront la face de l’économie mondiale. C’est la discrétion de Mc Cracken qui avait fait sa force.
Essayons de croire que c’est la méthode qu’a choisie Louis Gallois. Parce que tout ce que les industriels désirent est présent dans ce rapport. A condition de bien le chercher.
les vérités sur l'énergie
Regardez le chapître sur l’énergie :
" Dans la transition énergétique qui s’engage, il est essentiel que cet atout, (le faible cout de l’énergie comparé aux autres pays européens) lié au développement de la filière électrique, ne soit pas perdu. Au-delà des indispensables économies d’énergie et de l’amélioration des rendements énergétiques, le développement des énergies renouvelables s’impose dans tous les pays ; ces énergies devront s’insérer dans le « mix énergétique » dans des conditions qui ne renchérissent pas le coût de l’énergie pour l’industrie. Ce n’est pas acquis et l’effort de recherche doit être poursuivi dans ce sens."
Oui, vous avez bien lu « ce n’est pas acquis ». Louis gallois écrit en toutes lettres que la transition énergétique ne doit pas être une priorité, que c’est bien le coût de l’énergie qui doit fixer l’ensemble des décisions. Et d’ailleurs
« toute nouvelle disposition législative ou réglementaire significative, toute nouvelle politique lancée par l’État devrait être accompagnée d’un document précisant son impact sur la compétitivité industrielle et les moyens d’en réduire les effets négatifséventuels »
Bon, ça veut dire qu’on doit se contenter de peu ? Ça veut dire qu’il a sans doute fallu négocier chacun des mots écrits sur les terrains les plus sensibles. S’en est presque risible sur les gaz de schistes, on ne demande pas d’aller les chercher , non, on doit y aller en finesse :
"Dans la plupart des scenarii de transition énergétique, la part du gaz augmente ou ne se réduit pas à moyen terme. Nous plaidons pour que la recherche sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste soit poursuivie. La France pourrait d’ailleurs prendre l’initiative de proposer avec l’Allemagne à ses partenaires européens un programme sur ce sujet. »
un propos lénifiant qui permet de placer l’essentiel :
« L’exploitation du gaz de schiste soutient l’amorce de réindustrialisation constatée aux États-Unis (le gaz y est désormais 2 fois et demi moins cher qu’en Europe) et réduit la pression sur sa balance commerciale de manière très significative »
Les vérités fiscales
Fiscalité maintenant. Exactement la même méthode. Le constat est clair, c’est la mère de toutes les batailles
« la principale préoccupation pour l’avenir concerne l’évolution du financement en fonds propres. Signe préoccupant, la collecte de capital investissement régresse : elle reste de moitié inférieure à ce qu’elle était avant la crise (6,4 milliards d’euros levés en 2011contre 12,7 mil liards d’euros en 2008), freinant la croissance des PME, notamment chez les acteurs innovants ».
Louis gallois devrait en tirer la conclusion qu’il faut revoir de fond en comble la fiscalité sur le capital. Il ne le fera pas. Quelques pages sur l’allongement de la durée de détention de l’assurance vie, sur l’intervention de la répression des fraudes face aux délais de paiement hors la loi, pour glisser, presque de manière anodine :
« Le développement de l’actionnariat dans les PME et les ETI doit plus généralement s’inscrire dans un cadre fiscal supportable pour un placement à risque et qui ne soit pas pénalisant par rapport à d’autres placements plus « confortables » comme l’immobilier, dont la fiscalité pourrait être relevée »
Je pourrais comme ça multiplier les exemples : sur les finances publiques, là encore ce sont 5 lignes, il a dû se battre sur chacune d’entre elles, on le sent
« La réduction de la dépense publique devra être mise à contribution pour prendre, à terme, pour une part, le relais de la fiscalité. Elle ne peut se substituer à cette dernière à court terme mais doit être engagée et cadencée, car elle permet à moyen terme, de réduire la pression fiscale et donc de soutenir la compétitivité. Il conviendra de l’aborder dans ces trois dimensions – État, collectivités territoriales et Sécurité sociale »
mais ça l’empêche pas, in fine, de demander une hausse de deux points de la CSG
Les vérités sociales
Mais vous avez saisi sans doute déjà, que Louis Gallois veut insister sur un nouveau « pacte social ». Et la méthode est encore, toujours la même. Derrière quelques pages sur les solidarités nécessaires, sur le fait que chacun se sente gagnant dans l’ensemble de ces changements, il en vient à l’essentiel :
"Le marché du travail fonctionne globalement mal. Le contrat à durée indéterminée est jugétrop rigide par les entreprises et il est contourné par le développement de contrats quin’offrent pratiquement aucune protection (CDD, intérim, contractuels in situ, sous-traitances diverses) et qui ne créent qu’un lien très précaire entre l’entreprise et le salarié. Pôle emploi lui-même éprouve de réelles difficultés à faire face à la dégradation de l’emploi et est très insuffisamment articulé avec les structures de formation."
"Le raccourcissement raisonnable des délais, une information renforcée et anticipée des représentants du personnel, une information mieux protégée du délit d’entrave… : tous les éléments susceptibles d’accélérer et de sécuriser les procédures et ainsi de réduire le nombre de recours méritent d’être évoqués"
Croyez moi, pour les industriels aujourd’hui, cette disposition là vaut tous les allègements de charges
10 lignes pour tout dire
Si l’on faisait un peu de provocation, on dirait que le Rapport Gallois tient en dix lignes :
"Les chefs d’entreprises ont souvent le sentiment d’être « cloués au pilori » ; ils ont besoin d’être reconnus pour leur contribution au développement de l’économie. Ils veulent qu’on leur fasse confiance. Il appartient à l’État de créer cette confiance. Elle constitue une partie essentielle du « climat » dont dépend la décision d’investir. Ils ont également besoin – ils le répètent chaque fois qu’on les interroge – de stabilité et de visibilité à long terme et plus globalement d’un « écosystème accueillant ».
Autant dire qu’on en est revenu au point de départ. Ce gouvernement a-t-il envie de faire confiance aux chefs d’entreprise ? Veut il envoyer des signes tangibles qui pouveraient cette volonté (seule utilité du psychodrame sur les allègements de charges) . Louis gallois, évidemment n’a pas la réponse