Copernic à Bercy
20 milliards ne changeront pas la situation des entreprises. Évidemment. Pourtant, dire qu'il ne se passe rien depuis 48 heures est absurde.
« On peut présenter cela comme une révolution copernicienne, mais… » mais quoi ? M. Moscovici, c’est une révolution copernicienne! Enfin, les prémisses. D'ailleurs, encore hésitant dans Le Figaro hier soir, le patron de Bercy ne l'était plus sur RTL (ici) . Mais j'admets qu'on ne doit pas le dire trop fort
Comme on ne va pas écrire que les députés socialistes sont en train de chercher la meilleure cuisson pour les hauts de forme qu’il va bien falloir avaler. Oui, on va en manger du chapeau, bolognaise, pistou, à point, à l’étouffée. Et alors ?
Un principe de réalité vient de s’imposer à un exécutif qui avait visiblement sous-estimé l’ampleur de la crise. Et c’est bien notre chance ! Je reste convaincu que c’est un très désagréable effet de surprise qui est à l’origine de tout, parce qu’il a permis à l’exécutif d’envoyer paître ceux qui donnaient des leçons d’économie depuis quelques mois. Ces conseillers économiques qui nous parlaient d’une Europe « à nouveau tournée vers la croissance », d’une demande protégée par l’annulation des hausses de TVA. Je me souviens de celui qui nous disait qu'on n'allait pas régler un problème de demande en favorisant l'offre, le jour même, oui, le jour même, où les queues s'allongaient devant les Apple Store pour l'Iphone 5.
Foutaises !! On est dans le mur !
On aurait pu se contenter d’un coup de frein, le pari du gouvernement c’est de radicalement changer de cap
Vous l'avez rêvé? le gouvernement l'a fait!
Incroyable ! Et visiblement vous n’y croyez pas. Et je comprends. L’idée d’une mesure simple, sans condition, concernant tout le monde ou presque, pérenne, rapide, qui favorise l’entreprise au détriment des consommateurs. J’avoue que ça bouscule un peu.
-simple : vous calculez l’ensemble des salaires jusqu’à 2,5 smic (85% des salariés), vous enlevez 6%, vous envoyez la facture à Bercy
-sans condition : ben… sans condition, quoi
-tout le monde : ben… tout le monde (dès qu’il y a un salarié). Que vous fassiez, ou pas, des bénéfices (et la moitié des entreprises françaises ne paient pas d’impôt. On ne sait pas encore exactement comme l’état honorera sa créance dans ces cas-là, mais il y aura bien une créance. L’Etat devra de l’argent à l’entreprise, pour être très clair.)
-Pérenne : le premier ministre s’y est engagé, mais c’est là qu’il peut y avoir quelques doutes. Forcément l’état va demander des comptes sur l’utilisation de l’argent. Le diable dans le détail, c’est évidemment l’irruption d’un contrôleur fiscal, qui viendrait dire au chef d’entreprise : « je ne suis pas d’accord avec ce que vous avez fait, vous n’aurez pas droit au crédit l’année prochaine ». On n’en est pas là.
-Rapide: là, j'avoue, c'est le grand flou. A priori la Banque Publique d'Investissement devrait pouvoir accorder des avances de trésorerie. Mais 1/ faut trouver le guichet de la BPI 2/faut prier pour que Bruxelles accepte de ne pas intégrer ça dans la comptabilité publique 2013. Pas gagné.
Chiche?
C’est bien pour cela que c’est un défi pour les entreprises, et qu’elles doivent absolument le saisir. Une chance historique de démontrer qu’elles portent effectivement seules les espoirs de croissance et qu’elles sont capables d’assumer cette responsabilité.
Pour la première fois depuis 20 ans, un gouvernement de gauche décide d’enrichir le producteur et d’appauvrir le consommateur. Pour la première fois c’est l’offre avant la demande. Pour la première fois c’est l’entreprise avant l’Etat (parce qu’il y a un nouvel engagement de réductions de dépenses).
Soyons clairs, si l’ensemble de l’argent dégagé se retrouvait dans les dividendes, il serait compliqué de demander derrière une amplification du dispositif. L’Etat se fixe des objectifs de 300.000 emplois, ceux-là seront au rendez-vous (parce que s’ils n’y sont pas on dira qu’on a « évité des destructions »), mais c’est en termes d’investissements que la machine économique doit y trouver son compte.
Pour passer à l’étape d’après : la réforme de la fiscalité du capital !
C’est là qu’alors on pourra véritablement parler de « révolution copernicienne », c’est là que la France réalisera que le système planétaire économique ne tourne pas autour de la planète-demande, mais bien autour du soleil-offre (désolé pour cette image poussive droit sortie des manuels de propagande)
Mais ce qui s’est passé hier, à la lumière du rapport Gallois, c’est qu’on a commencé à regarder autrement les étoiles. Je comprends que cette conversion laisse énormément de gens sceptiques, j’ai moi-même fait les comptes, on ne fait finalement que « rendre » aux entreprises ce qu’on leur a pris par les différentes hausses d’impôts votées ces derniers mois. Mais je maintiens que ne pas saisir cette offre, continuer à pleurnicher, à dire « ce serait mieux si… », à chercher la « manip des socialos », serait d’une bêtise effrayante