Automobile, l'évidence électrique
Carlos Ghosn a remis en perspective, ce week-end, l'ensemble du cheminement qui rend évidente la voiture électrique. Une équation mathématique.
« Système ». Si vous voulez comprendre la stratégie de Carlos Ghosn, il faut accepter que l’automobile se pense comme un système, que le produit final, avec ses quatre roues (pour l’instant) ne se conçoit que comme l’aboutissement d’un processus qui va permettre, à chaque étape, de le rendre compétitif
Rzzzz Rzzzz Rzzz … là je viens d’endormir le lecteur en 5 lignes
Pourtant c’est la clé de Logan, et c’est exactement ce qui est en train de se jouer avec le véhicule électrique
Logan est devenue la gamme la plus profitable de Renault
Ne dites pas Logan d’ailleurs, Ghosn ne parle que de la « plateforme M0 », Logan c’est un nom en France, mais la même voiture va s’appeler Renault en Russie, Dacia ailleurs, au gré des préférences commerciales. Aucune importance.
L’important c’est que cette plateforme M0 est aujourd’hui, et de loin, la plus profitable de Renault. Oui, la plus profitable ! Parce qu’à chacun des niveaux, la conception, l’approvisionnement, la logistique et la production, on a inventé les solutions les plus efficaces.
Oui, inventé ! (oula! Je vais mettre plein de « oui…répétition… » dans ce papier, c’est une plaidoierie...) Logan est une épopée d’innovation, « personne n’a réussi à reproduire ce modèle, pas même Nissan » dit encore Ghosn. Cette épopée est racontée dans un bouquin qui se lit vraiment bien (ici). Je vous le dis très vite, mais ce qui est formidable c’est qu’on a tâtonné à chaque étape, y compris en ce qui concerne la vente en Europe occidentale.
L'équation électrique
C’est bien un « système électrique » que Ghosn veut aussi mettre en place. Mais là encore, comment penser que tout est écrit ? C’est absurde.
Dès le début le patron de Renault est parti d’un triple constat, et je ne vois pas comment légitimement le démentir : 1/Renault doit se trouver un secteur de rupture. 2/La demande écologique est forte et les gouvernements y sont sensibles 3/Le parc automobile va doubler dans les 15 ans.
Ces trois points amènent à une évidence électrique. Pour la rupture on peut toujours rêver d’un nouveau haut de gamme à la française, mais bon dieu, Renault a payé très cher ses derniers échecs. PSA tente le pari avec DS, chapeau ! Mais la rupture électrique est tout autant légitime.
Le politique est toujours au coeur de la stratégie automobile
Parce qu’elle rencontre les préoccupations politiques qui sont toujours au cœur de toute la croissance de l’industrie automobile. On me parle de « subventions », mais partout, tout le temps, elle ont accompagné l’automobile, sous une forme ou sous une autre (et qu’on ne me dise pas que l’état américain qui perd 50 milliards de dollars dans GM fait différemment), on parle surtout d’infrastructures, de bornes de recharge («le seul élément que le je ne maîtrise pas » dit Ghosn, « ça ne met pas en cause l’existence de la voiture électrique, mais sa vitesse de propagation »)
Mais là encore, que l’on regarde les faits.
Si Renault (qui, c’est vrai, a trop tardé là-dessus) peut rentrer sur le premier marché du monde, la Chine, c’est grâce à la technologie électrique et c’est une décision exclusivement politique.
Sinon les portes auraient été fermées. Tous les projets d’extension des constructeurs installés en Chine, doivent s’appuyer sur une composante d’innovation majeure en ce qui concerne la propulsion. C’est comme ça. Et c’est politique.(le lien de la Cité de la Réussite, samedi, est là)
Parce que les Chinois sont parfaitement conscients que leur équation énergétique est insoluble si la totalité des transports repose sur le pétrole. Or, la voiture électrique est « agnostique ». L’électricité peut venir du pétrole, du charbon, du nucléaire, du vent, du soleil, aucune importance. Elle offre une alternative, et surtout une grande souplesse en fonction des saisons. Comment ne pas voir cette évidence? (on peut même penser que la batterie sera en mesure, si la voiture est au garage à 19h, de "rendre" du courant dans le réseau pour la période de pointe, pour se recharger en pleine nuit, quand le nucléaire tourne à vide)
Voiture à vendre
« Le public n’a pas confiance »? Ça s’appelle effectivement un pari. "You can't just ask customers what they want and then try to give that to them. By the time you get it built, they'll want something new." (Steve Jobs)
Et c’est là qu’arrive le « système ». Renault défriche. Au début le système « quick drop » développé par Better Place semblait une solution idéale (remplacement ultra rapide des batteries dans des stations-services), maintenant on travaille davantage sur l’autonomie des batteries : aucune importance. L’important pour Renault c’est de garder de l’avance, de savoir où sont les bons fournisseurs, où sont les ruptures, d’avancer par partenariat et surtout de s’imposer comme incontournable, dans ce qui va très vite ressembler à une course de vitesse.
Renault a d’ores et déjà intégré qu’il faudrait trois fois plus de temps pour vendre une voiture électrique qu’une voiture classique. Vous savez quoi ? les concessionnaires adorent !
« il y a 750 millions de voitures qui roulent chaque jour dans le monde. 750 millions !! Notre projection c’est qu’à 15 ans ce chiffre va doubler » dit encore Carlos Ghosn. Dès lors, 5,10,15% du marché automobile pour l’électrique? quelle importance pour Renault, s’il prend la part du lion !