Champions du monde en productivité, nous? vraiment?
"je ne crois jamais une statistique à moins de l'avoir moi même falsifiée" disait Churchill. C'est ainsi qu' au royaume de la statistique, la Reine de la cœur, la productivité exceptionnelle du travailleur français, est en fait le symptôme de quelques unes de nos défaites
La voilà donc la statistique triomphante du génie français, celle qui bat en brèche la doxa libérale et permet de se rendormir (quelques communiqués de victoire ici ou là, ou là encore ; d’ailleurs la statistique étant un mensonge permanent, mes liens vous amèneront vers des points de vue. Pour l’objectivité, vous avez la page des sports) Nous serions « productif » et même, en fait, les plus productifs du monde (ici) bien plus que les allemands en tout cas!
Mais nous serions productifs par essence croit-on comprendre. Parce que si l’on essaie de croiser ce chiffre avec d’autres données, on reste perplexe. Industrie par exemple, un homme productif est un homme très largement assisté par la robotisation, or nos lignes industrielles sont 5 fois moins robotisées que les lignes allemandes, et même 2 fois moins que les lignes italiennes (chiffres et analyses ici et là). Formation ? Mais alors ça ne colle pas avec le chiffre de 223.000 gamins sortis l’année dernière du système éducatif sans diplôme (quelques chiffres et analyses ici) ça ne colle pas avec le nombre toujours très faibles de nos contrats d’apprentissage (ici). Ou plutôt si, ça colle trop bien
La vérité de ce chiffre, c'est que nous ne sommes champions du monde qu'au sein d'une forteresse étroite, celle du travail salarié à temps pleinLa vérité de ce chiffre, c’est que le travail est une forteresse en France. C’est que vous êtes dans la forteresse, ou bien au dehors. C’est que l’on y fait entrer ceux dont on est sûr qu’ils seront « productifs », qu’ils pourront se mettre dans les traces de cette performance statistique dont on devrait être si fier, pas les autres. La rigidité du droit du travail vous interdit le moindre risque.
Et puis, dans le même mouvement, on éjecte le plus tôt possible. Ce chiffre de productivité doit être mis en relation avec le chiffre de l’emploi des séniors (ici), et là vous réalisez qu’on devrait peut-être arrêter de le brandir comme l’illustration d’un modèle.
(quelques éléments objectifs tout de même vont dans le sens d’une bonne productivité, l’excellente formation… de ceux qui le sont, où encore la qualité des infrastructures, vous pouvez vous remonter le moral ici )
Une corde fragile
Le stress enfin. L’une des conséquences des 35 heures que pas une statistique ne pourra étayer. Comment mesurer le stress ? Les indicateurs de performance des entreprises sont encore là-dessus inconsistants (absentéisme, taux d’accidents). Les chiffres de la médecine du travail nous disent qu'il n'y a pas de lien particulier avec les 35 heures (ici) pourtant chacun sent bien qu’à partir du moment où l’on a demandé à des salariés de faire en 35 heures ce qu’ils faisaient en 39 sans plan d'embauche significatif et programme d’investissement massif, c’est bien qu’on leur a demandé de trouver les ressources quelque part. Où donc, si ce n'est dans leur vie personnelle?
Oui nous sommes sans doute les salariés les plus productifs du monde, mais est-on sûr qu'il faille en être fier?