La dernière belle idée de M. Eckert
La représentation nationale, et le rapporteur général du budget, ne veulent pas que l’entreprise soit un ticket de loto gagnant. En envoyant ce signal, elle retarde un peu plus le rebond national.
Comme toujours dans ces affaires, on peut vous noyer dans la technique, et puis on peut présenter les choses de manière très simple.
Car elles le sont.
Voilà donc un nouveau produit d’épargne, PEA PME.
Une création droit sortie du rapport Berger-Lefebvre (deux députés socialistes) sur l’épargne longue. Ils constatent que l’épargne ne va pas assez vers les entreprises.
Et pour cause, l’épargne, le capital, c’est comme l’eau. Il coule toujours dans la pente la plus favorable. Or c’est bien l’assurance vie, avec encore la protection des emprunts d’Etat qui est aujourd’hui le meilleur rapport risque rendement.
Donc on modifie la pente.
Et on invente une fiscalité comparable à celle des produits d’épargne les plus intéressants mais réservé aux entreprises petites et moyennes (à la louche, je vous ai dit que je voulais être simple, donc pitié, épargnez moi les expertises stériles, cette histoire m’énerve suffisamment comme ça )
PEA, Plan d’Epargne en Action, spécifique pour les PME.
Super
Ben oui, mais non.
C’était trop beau.
Certains trichent.
Ça ne vous surprendra pas.
Entrer dans les détails de la fraude nous emmènerait loin dans la technique, et d’ailleurs c’est ce que dit Christian Eckert, notre formidable rapporteur général du budget qui entre en scène à ce moment-là : « des dispositifs difficiles à contrôler pour l’administration fiscale ». Disons que certaines start up s’en servent comme d’un élément de rémunération. Comme l'entreprise n'est pas côtée, on fixe une valorisation anormalement basse, on loge ça dans un PEA et on en empoche ensuite toute la plus value sans payer d'impôts. C’est mal. On est tous d’accord.
Mais de la même façon qu’il semble saugrenu d’interdire la voiture à cause des excès de vitesse, il semble étrange (et dangereux) de prendre un dispositif général pour quelques fraudes
C’est pourtant ce qu’a voté l’assemblée.
Limitation des avantages pour les plus-values réalisées dans les investissements directs dans les PME non cotées
Oula
Plus-values ? Pas plus de deux fois la mise en 5 ans, sinon vous perdez tous les avantages du PEA
Investissement en direct ? Vous n’êtes pas passé par un intermédiaire, vous prenez tout le risque, investissez directement votre argent dans une entreprise
Non-cotées ? Pas cotée en bourse, comme toutes les start-up (presque toutes)
Ça vous semble important deux fois la mise ? Mais il faut savoir que sur les 10 investissements que vous allez faire, un seul rapportera. Surtout que les spécialistes raflent les meilleurs dossiers. Vous, particulier, il vous reste un coup de cœur, une rencontre, un tuyau pourquoi pas. Mais si ça décolle, alors ça peut rapporter beaucoup, beaucoup, beaucoup (l’indice de Deloitte Fast 50, qui mesure les croissances les plus importantes en France sur 5 ans nous parle de 1000-2000% en moyenne !)
Et c’est bien la clé de cette affaire.
Les députés n’y arrivent pas.
Ils n’arrivent pas à admettre qu’une entreprise puisse être le plus vertueux des tickets de loto.
J’écris « les députés », parce que Gilles Carrez (UMP) n’est pas loin de soutenir Eckert dans cette affaire. Le même Gilles Carrez qui n’a eu de cesse, alors qu’il était lui-même rapporteur général du budget, de limiter les avantages du dispositif qui permettait d’investir l’ISF dans une PME. Au nom des abus. Encore.
La représentation nationale veut bien que des chômeurs aillent rêver au PMU au risque d’y jouer leurs indemnités, elle veut bien nous ouvrir la fenêtre du loto, placement stérile s’il en est, pour se dire qu’il y a un paradis sur terre. Mais l’entreprise ? créatrice d’emploi ? Vous n’y pensez pas !
Ben non, on ne va plus y penser.
C’est bien le drame.
Soyons franc cette histoire est du domaine du symbole. On ne va pas déstabiliser l’économie française. On n’attendait pas de flux considérables vers le non-coté. L’épargnant français a peur du risque.
Mais le double discours est exaspérant. Comment peut-on célébrer l’entrepreneur, la croissance, les nouvelles technos, et systématiquement refermer la moindre porte qu’y s’ouvre parce que certaines fortunes ne seraient pas chimiquement pures ? Comment peut-on vanter l’entreprise et montrer dans chacune des dispositions précises que l’on prend, qu’en fait on s’en méfie ?
En fait, tout cela est usant.
Rien d’autre qu’un moustique dans la chambre.
Mais il peut vous empêcher de dormir