Ecoutez les poulets de Carrefour
Ils nous disent qu'il faut libérer l'offre et les énergies. A tout prix
Je vous le dis franchement, les grandes peurs environnementales me laissent froid, mais allez savoir pourquoi, celle là m’intéresse : la question des antibiotiques, la résistance des bactéries, et leur place dans l’élevage animal.
Bon. Et donc je lis cette info apportée par le Figaro : Carrefour a mis en vente des poulets garantis « sans antibiotiques »… et rencontre un succès inattendu, des volumes quatre fois supérieurs aux objectifs, à tel point que l'éleveur doit construire "un nouveau poulailler chaque semaine pour répondre à la demande"
« sans antibiotiques » ne veut pas dire « bio », pas même Label Rouge (quelques éléments). C’est vraiment un truc très spécifique. Et c’est évidemment plus cher (7% plus cher que le Label Rouge, vous avez là les détails)
Je vous rassure, je ne vais pas vous parler médecine, mais bien consommation
Elle nous dit quoi cette petite info : elle nous dit qu’on n’est certainement pas au bout des capacités de l’offre. Elle nous dit surtout qu’une vision systématiquement misérabiliste de la société nous masque les réalités de ce pays
Parce qu’attention, on n’est pas dans une boutique bobo-vintage du Marais. On est chez Carrefour. Temple de la guerre des prix et de la puissance marketing.
Or là, nous dit Carrefour, « pas de promo particulière ». Des clients, qui sont M et Mme Toutlemonde, la représentation la plus fidèle que l’on puisse trouver de la société française, choisissent de payer un peu plus cher, un poulet, la viande la moins chère justement, parce qu’elle répond visiblement à une question qu’ils se posent. Vous remarquerez d’ailleurs qu’ils se la posent dans un silence relatif. La question des antibiotiques est quand même bien moins présente que la question du CO2, ou même la question nucléaire. Vous croyez qu’ils auraient payé plus cher un poulet « dont l’élevage a été compensé-carbone » ? Vous pensez qu’ils auraient mis quelques euros de plus sur un poulet « garanti sans exposition aux rayonnements » ?
Moi, j’ai des doutes.
C’est intéressant non, sur le décalage entre les media mainstream et notre ressenti profond.
Mais ce qui me bluffe vraiment dans cette histoire, ce sont les entrepreneurs qui ont eu l’idée du « poulet sans antibiotiques ». Parce qu’ils ont pris deux risques. D’abord celui de la « cause », on l’a vu, alors que d’autres ont bien plus d’exposition médiatique
Mais surtout celui du prix. Eux savent que nous ne vivons pas dans un pays de misère, mais bien dans un pays d’arbitrage. Franchement quand vous regardez le 20h vous pouvez en douter, entre les soupes populaires et les retraités à l’agonie. Mais on achète des voitures de gamme moyenne supérieure, Orange est un des premiers vendeurs d’Apple au monde, « l’épargne des français est équivalente aux fameuses réserves de change de la Chine » me disait très justement ce matin le député Olivier Carré, en un mot comme en 100, nous sommes un pays riche !
Bien sûr pour libérer cette épargne il faut d’abord redonner de la visibilité, qu’on ait le sentiment d’un cap économique et surtout que l’on discerne un horizon fiscal. Mais surtout, tout devrait être fait pour libérer l’offre, encore et encore, des horaires d’ouverture des magasins, aux secteurs encore interdits de pub. Le potentiel de richesse est là !
Ecoutons les poulets de Carrefour. Ils ont tant de choses à nous dire