Il est encore temps de sauver les start-up, et de préserver l'avenir
Dans son budget le gouvernement a laissé passer une mesure technique qui va priver les start up en France du carburant dont elles ont besoin pour croitre. D'autant plus simple à rectifier, que cela doit se faire au nom de la justice.
Ma conviction profonde c’est que les conseillers techniques n’ont pas pris la mesure de ce qu'ils écrivaient. Moi même je ne l’avais pas fait. Ils n'ont pas réalisé qu'ils brisaient en quelques lignes une formidable machine de croissance. Le problème que l'on a maintenant, c’est que l'on réalise que personne ne comprend vraiment comment elle marche.
La création d’entreprise est un moteur complexe. On peut faire le rêve du type ingénieux qui se réveille un beau matin avec l’idée qu’il va changer le monde. Mais du rêve à la réalité, il faut un carburant rare et précieux : le capital. Et ce mot là, ce simple mot, avec tout ce qu’il porte en France d’histoires, de combats et d’incompréhension, dit bien toute la difficulté de la bataille que veulent engager des milliers d’entrepreneurs en France.
Le diable, le vrai, dans un détail
Que se passe-t-il ? Le gouvernement a décidé d’aligner la fiscalité du capital sur celle du travail. Fort bien. C’est un choix politique. La nation s’est prononcée là-dessus au terme d’un débat présidentiel très clair sur ces questions, tellement clair d’ailleurs que le candidat de droite avait peu ou prou les mêmes propositions.
Cet alignement fiscal a des conséquences importantes sur les grandes fortunes du pays. Là encore, c’est un choix de la nation.
Mais cet alignement fiscal a aussi des conséquences techniques, discrètes, quasi perverses, tellement complexes qu’encore une fois on peut penser que les meilleurs experts ne s’y sont pas arrêtés. L’une d’entre elles, c’est de rendre concrètement impossible le financement, par des capitaux extérieurs, de la croissance de jeunes entreprises. Pourquoi ? Parce qu’au moment de récupérer le fruit de son investissement, en cas de succès, l’investisseur voit la taxation sur ce qu’il récupère passer de 35% à 65% !
Très concrètement, même, le calcul qu’ont fait dès ce week-end les investisseurs est celui qui m’a été donné par un des business angels les plus célèbres de France.
la fiscalité actuelle des plus values est à : 19+15,5 = 34,5% (avec de la CSG déductible l'année suivante)
la fiscalité à venir est à : 45+15,5 + 3% = 63,5% (surtaxe Sarkozy) (avec de la CSG déductible l'année suivante)
Qui est touché :
- les investisseurs ? non
ils ont le PEA (petit investisseur), les holding (gros investisseur)
- les créateurs de Startup ? oui
Une question de justice
le problème, c’est que beaucoup de ceux qui me lisent, là, maintenant, se disent : et alors ? Et alors, je me permets une image. Le capital c’est comme l’eau. Il empreinte toujours le chemin le plus facile, la pente la plus forte. le capital pas plus que l'eau ne fait de politique, le capital fait des mathématiques et ne connait pas d'autre science. Cette nouvelle fiscalité risque donc d’assécher, très vite, très très vite, bien des sources de financement
Commentaire supplémentaire, Pierre Chappaz, créateur de plusieurs pépites du web.
Je ne connais pas un seul fondateur de startup qui acceptera l'idée qu'en créant une entreprise dans laquelle il va investir toutes ses économies et des années d'efforts, souvent sans se payer, il donnera à l'Etat 63,5% de son gain quand il vendra sa boite s'il réussit. Il faut savoir que 9 startups sur 10 échouent, et dans ce cas personne ne rembourse le fondateur.
Peut-on comprendre ce qui se joue, là ? C’est évidemment l’essentiel ! La maigre chance que peuvent encore avoir des jeunes gens de trouver le carburant qui viendra nourrir leurs idées. je dis « maigre chance », parce que le capitalisme français souffre d’un mal dont il est seul responsable : le culte de la rente et du réseau. Si vous êtes en dehors des circuits grandes écoles, si vous n'êtes ni fils ni fille-de, votre parcours d’entrepreneur en sera d’autant plus compliqué. Et c’est bien le paradoxe de cette décision, de ce qu’un gouvernement qui veut se battre pour l’égalité, enlève une chance à ceux qui déjà n’en ont pas beaucoup.
Ne pas se tromper de combat
Un problème technique peut être résolu par des solutions techniques. Sans que soit remis en cause le choix politique, national, de l’alignement de la taxation du capital sur celle du travail. C'est d'ailleurs d'autant plus ballot que le gouvernement a conservé toutes les fontaines d'où devrait jaillir le capital (Jeune entreprise innovante, ISF-PME etc...) Nous sommes d'ailleurs au coeur de ce que l'on appelle la "courbe de Laffer",(ici) ce moment où l'impot se détruit lui-même. Cette taxe, en asséchant le financement, va aussi assécher les revenus de l'état. Cela aussi les députés vont le voir
Attention, on ne parle pas ici seulement du problème des "créateurs" d'entreprise, mais bien de ceux qui vont l'entourer, les seuls qui pourront transformer une entreprise naissante (un trésor pour son créateur) en une entreprise de taille intermédiaire, qui devient alors une trésor pour la Nation
Je crois sincèrement qu'il est possible de convaincre, parce que le gouvernement est en pleine réflexion, par exemple sur l'outil industriel, qu'il réfléchit à lui redonner de la compétitivité et que l'apport en capital est une clé. Il est possible de convaincre pour peu que l’on ne se trompe pas de combat. Si je vous ai parlé d’un des investisseurs les plus célèbres de France, sans donner son nom, c’est qu’il est plein de sagesse : « il ne faut pas que ce combat soit celui des riches, parce que c’est faux, et parce que ça serait le condamner ». Il restera donc anonyme. J’espère que les entrepreneurs qui veulent convaincre aujourd’hui ne tomberont pas dans le piège de la provocation politique, respecteront le suffrage universel. Disons-le, parce que l’on parle du Capital, et que ce mot est en France une grenade dégoupillée: une dérive politique autour de l’entreprise serait dévastateur !