L'entrepreneur a une âme
La culture d'entreprise, ce n'est pas très français. On le sait. Quand on parle patron, ce n'est pas toujours dans les meilleurs termes. Ce sont des hommes pourtant et certains prennent le temps de réfléchir à leurs fonctions. C'est donc avec un grand plaisir que je suis allée à la rencontre ce lundi de Jochen Zeitz ,figure titulaire de Puma en visite à Paris. L'homme veut se consacrer de plus en plus au développement durable. Il a pris le temps de la réflexion.
Jochen Zeitz s'apprête à prendre un virage professionnel. Il ne quitte pas Puma, filiale de PPR mais la direction de son conseil d'administration. A partir du 30 novembre, cette figure charismatique de la marque au félin va devenir président du comité de développement durable du conseil d'administration du groupe. Le développement durable exigerait-il de prendre du recul ?
Il fut en tous cas le plus jeune président d'une société cotée en Allemagne. Pour lui, le développement durable doit être au coeur de la stratégie des entreprises tout en étant vecteur de création de valeur.
Jochen Zeitz n'hésite pas à la dire: "Puma doit être équitable, honnête, positif et créatif." Rien que ça !
Il en parle dans un livre qui m'interpelle: "Le moine et l'entrepreneur, Dieu ,l'argent et la conscience" publié chez Parole et silence. Face à lui. le père bénédictin Anselm Grün, l'un des moines les plus populaires d'Allemagne. Les deux hommes qui se sont rencontrés il y a 4 ans discutent des valeurs de la société, de modèle économique. Ils ne sont pas toujours d'accord mais les échanges sont savoureux: 'En ce qui concerne leur organisation interne et leurs relations avec l'environnement, les entreprises sont beaucoup moins bien placées que les couvents;""La Bible nous transmet ces valeurs mais, à première vue, elle n'a que peu d'influence sur les entreprises". La foi ne m'inspire pas particulièrement mais quand il s'agit d'humain et du rôle à lui donner dans l'entreprise et ailleurs, je dis banco.
Jochen Zeitz sait de quoi il parle, il a créé une première. C'est sous son impulsion qu'ont été mis en place les premiers comptes environnementaux. Puma est devenue ainsi la première entreprise de taille mondiale à établir une véritable comptabilité de ses émissions de gaz à effet de serre et de sa consommation de ressources naturelles. Elle n'en reste pas là.
Idée durable par excellence: l'invention de la boîte à chaussures/sac ultralight et durable, le Clever Little Bag. Quand on pense aux 70 millions de paires de chaussures vendues chaque année, ce nouveau mode d'emballage représente une baisse de 65 % de papier et d'eau.Et bientôt les baskets biodégradables.
Objectif: réduire au maximum "la dette" que Puma a envers la société. Le mot est lâché! J'oserai dire que quand on est la marque emblématique d'équipe de foot africaines, c'est logique. Evidemment tout est loin d'être rose. L'été dernier Greenpeace tirait les oreilles des industriels du textile en exigeant l'élimination d'ici à 2020 de tous les produits toxiques dans la fabrication des vêtements. Puma a répondu présent. Cela veut dire qu'il y a encore du travail...
J'aime l'idée qu'un entrepreneur prenne sa fonction en main. Comme le dit Jochen Zeitz à la fin du livre: "Nous devons tous réapprendre à regarder par dessus le bord de notre assiette, à penser plus loin, pour nous rendre compte que l'expression de "business as usual" fait partie du passé."
Il en embarque d'autres dans l'aventure. Et lance la B-Team avec Richard Branson. B comme plan B pour un business meilleur. Une douzaine de patrons le suivrait dans l'aventure. Mais Jochen Zeitz entretient encore le suspens. L'idée: faire mieux mais en s'appuyant sur le business. Pour lui, l'entrepreneur se doit d'avoir une conscience. L'ont-ils tous ? Pas sûr mais y réfléchir c'est déjà un premier pas....