Leonarda sur un quai de gare
Sidérante bouffée d'hystérie politique autour de responsables ferroviaires qui en ont vu d'autres... En fait, la politique envoie un terrible témoignage d'impuissance
"C'est proprement hallucinant. Je pense que la responsabilité des dirigeants est engagée", ça c’est Jean Christophe Cambadélis, le patron du PS, au petit matin. Oh je ne lui en veux pas, il n’est pas le seul, à la même heure sur une autre antenne Marine Le Pen s’improvise chef de chantier et nous dit que 50 ou 80 millions d’euros c’est « très largement sous estimé »… avant d’enchaîner sur le « gaspillage insupportable d’argent publique et l’exaspération légitime des français ». Enfin, Cambadélis, il fait fort quand même, il laisse entendre qu’il trouverait normal que le patron de la SNCF démissionne sur cette affaire. Tiens, pendant que j’écris, 12h24, voilà l’audition programmée par l’assemblée nationale "des responsables de l’affaire". Cette audition commune, proposée par le député UMP Jean-Marie Sermier interviendra "dans les plus brefs délais"… j’attends dans les minutes qui viennent la commission d’enquête, la mobilisation de l’armée
16h21 (AFP)Le président de la SNCF Guillaume Pepy "doit démissionner" après l'affaire des nouveaux TER trop larges, nécessitant 50 millions d'euros de travaux, a estimé mercredi la rapporteure générale du Budget à l'Assemblée Valérie Rabault (PS).
Dans le même temps le patron de RFF essaie vaguement d’expliquer ce qui se passe « ce n’est pas une boulette, nous avions choisi en toute connaissance de cause de laisser plus de place aux voyageurs, même si nous avons mesuré toutes les conséquences un peu tard (…) les quais ont 150 ans d’âge, les trains sont neufs, à chaque nouveau matériel roulant il faut adapter l’infrastructure (…) ces dépenses sont financées dans le cadre normal du financement des réseaux » ; d'autres essaient de mettre ces 50/80 millions en rapport avec les milliards de ce contrat. En pure perte. Comme les routiers des contrats d'infrastructure vous expliquent que c'est leur quotidien ces ajustements, que ça fait partie du contrat
… mais qu’est-ce qui leur prend? Qu'est-ce qu'ils trouvent, ressentent dans cette affaire qui les fassent partir en vrille aussi vite, aussi fort?
En fait on a Leonarda sur un quai de gare. Mêmes délires fantasmés sur des faits finalement très simples, même conclusions à l’emporte-pièce, mêmes condamnations automatiques.
Mais surtout même illusion d'agir. Ça y est! On a le sujet "proche des gens" sur lequel on peut "faire", faire quelque chose et le faire vite. Ça y est, dans ce monde qui nous échappe, on attrape quelque chose, un fil sur lequel tirer, justifier notre rôle, transformer, modifier, dire "plus jamais". Peu importe que l'histoire soit anecdotique, peu importe qu'elle ne fasse plus une ligne dans deux jours. cette fois-ci ce n'est pas Bruxelles, ce n'est pas le prix du pétrole qui nous échappe, ce ne sont pas les géants du web qui nous rigolent au nez, ce n'est pas l'évasion fiscale qui nous file entre les doigts. Alors on y va. Fort. Trop fort.
un peu triste, non?