L'exaspération patronale
Tellement facile pour les importants de rire du bestiaire patronal, « plumés », « tondus » etc… Pourtant le discours exprime une exaspération morale, et pas fiscale, largement digne d’intérêt.
Depuis que l’on a décidé ce matin de mettre à la une certains de ces mouvements patronaux qui fleurissent à Roubaix, Nantes, La Rochelle, etc… j’ai reçu une dizaine d’histoires sur ma boite mail. Et bien, jamais le mot clé n’est celui du refus des impôts, mais bien plutôt le sentiment d’être systématique, à priori, considéré comme « coupable ».
« C'est ça l'exaspération, c'est une exaspération morale et non pas fiscale...et comme nous sommes considérés a priori comme "malhonnêtes" (voir les abus dans les contrôles)...cela pousse de plus en plus à effectivement se comporter comme tel...et il faut être solidement chevillé dans ses convictions républicaines pour résister » m’écrit le patron d’une TPE
Pour avoir lu beaucoup de témoignages, je crois que l’histoire est différente de celle d’un simple « ras le bol fiscal », c’est bien plus la lassitude devant un discours ambiant qui date de la campagne présidentielle et qui laisse entendre qu’il y aurait une forme de revanche à prendre contre les chefs d’entreprise, qui laisse entendre qu’on a multiplié les « cadeaux aux patrons » et qu’il serait temps d’arrêter, qui assimile les salaires du CAC 40 à ceux du terreau profond des entreprises.
« Je n’ai aucun problème à payer des impôts » m’écrit-on, « mais pourquoi m’impose-t-on cet exercice comme s’il s’agissait d’une sanction ? Pourquoi est-ce qu’on me donne l’impression que je devrais rendre ce que j’ai gagné par des voies plus ou moins honnêtes ? Pourquoi est-ce qu’on multiplie des contrôles tous plus absurdes les uns que les autres »
Impossible de savoir s’ils sont effectivement multipliés ces contrôles. C’est pourtant la perception qu’en ont tous ceux qui m’écrivent.
Pour être clair, un an bientôt après l’affaire des pigeons, beaucoup de patrons ont encore le sentiment que ceux qui dirigent le pays les considèrent comme leurs adversaires.
C’est évidemment dramatique. Comme sont dramatiques les derniers épisodes politiques « le problème ça n’est pas de payer 0,1 ou 0,2 points de cotisation en plus pour les retraites » me dit Stéphane Brousse, le patron du MEDEF à Marseille, « le problème c’est qu’une fois encore on fait un choix politique et non pas un choix économique, et qu’en plus on nous roule dans la farine ».
Ce qu’il faut admettre, c’est que derrière ce climat d’exaspération, ce sont des décisions d’investissement qui ne se font pas. Or jamais la croissance de repartira sans l’aide de l’investissement privé. On voit même dans les derniers chiffres de l’INSEE des industriels mettre le pied sur le frein alors que le cycle est à nouveau porteur.
Alors on peut sourire de ce bestaire patronal et j’avoue qu’en matière de communication on a vu mieux. Mais ce qu’il révèle est réellement préoccupant