la reprise, otage de la politique
« La dynamique européenne est en train de s’emballer ». Cette simple phrase est interdite d’antenne, parce que la conjoncture est devenue un sujet politique
Ils ont pris en otage la croissance, et comme ils n’émettent aucune revendication, on peut sérieusement craindre une froide exécution.
« Ils » ? Ceux qui font le bruit médiatique ambiant, éditorialistes et politiques, qui ont décidé que la macro-économie devait se résumer à des petites phrases. Et donc, quand François Hollande dit que « la reprise est là », ont décrété qu’il fallait se positionner pour ou contre, que la gauche devenait le camp de la reprise et la droite celui de la récession. Surréaliste. Je caricature mais on n’en est pas loin. Après cela, si vous avez le malheur de mettre en avant quelques indicateurs intéressants qui marquent le retour de l’expansion, vous êtes vendu au pouvoir, si vous doutez de la réalité de la reprise, vous êtes la 5ème colonne sarkozyste. Quelle misère !
Parce que la conséquence immédiate, c’est le silence des voix pertinentes sur ce qui devrait être le seul sujet de rentrée. Tous ceux qui auraient sérieusement quelque chose à dire n’osent pas le dire trop fort, de peur de se retrouver otages de ce jeu politique totalement stérile.
Et ça devient quasi comique sur la journée d’hier. Voilà des indicateurs solides (ils sont là), qui permettent à Philippe Waechter, l’économiste de Natixis Asset Management, de nous dire « la dynamique européenne est en train de s’emballer », le rythme de recovery de l’Espagne et de l’Italie, notamment, est spectaculaire, et disons-le, inattendu. Et bien, là-dessus, le bruit médiatique va rester cantonné à la presse spécialisée.
Alors, oui, la France n’est pas dans le même rythme que ses partenaires. Oui, les éléments d’inertie qui nous ont relativement protégés de la déflagration mondiale, nous empêchent aujourd’hui de repartir au même rythme que les autres. Oui, l’Espagne s’est imposé une cure d’austérité dont les résultats restent à évaluer sur le long terme. Mais bon dieu, on peut quand même prendre le temps de se réjouir 5 minutes de ce qui se passe non ?
Parce que le risque de la prise d’otage, c’est bien l’exécution. Il y a évidemment une dimension psychologique importante dans le comportement des agents économiques que nous sommes. Les prophéties auto-réalisatrices marchent dans les deux sens, et croire à la reprise, c’est en fait la créer, ne pas y croire, ou refuser d’y croire pour des raisons partisanes, c’est prendre le risque de la tuer. Dans l’œuf.
Mais la réalité c’est que nous ne pouvons plus parler d’économie. Nous ne savons parler que de politique. Notre paralysie n’a pas d’autre cause