Et si l'Union bancaire relançait l'Europe?
Et si l'on saisissait une chance que personne n'attendait? Faire de cette Union bancaire en gestation un acte économique tellement fort qu'il redonne de l'élan à la construction européenne.
En ce milieu de printemps les Européens ne connaissent pas de répit. Les crises se succèdent, alors que chacun croyait pouvoir les contrôler. Un à un, les pays qui pensaient pouvoir assumer seuls la charge de la crise réalisent qu’ils n’en ont pas les capacités. La pression américaine devient considérable pour une "action" qui vient d’Europe face aux menaces qui montent.
Ce climat est peu ou prou celui du mois de mai… 1950. La crise est alors une crise de reconstruction et les menaces sont les menaces de la guerre froide. Pourtant le parallèle est saisissant. Soixante ans plus tard notre crise est une crise d’endettement, mais, là encore, on sait qu’aucune des recettes classiques ne nous permettra d’en sortir. En 1950, c’est dans ces mêmes conditions qu’ un homme d’exception décida d’un saut considérable, inoui, essentiel pourtant: la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Et si l’Union bancaire de Mario Draghi portait la même ambition que la CECA de Robert Schuman?
"Le statut de l'Allemagne fédérale était un enjeu de la rivalité Est-Ouest. Les États-Unis souhaitaient accélérer le relèvement économique d'un pays placé au cœur de la division du continent. Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, s'était vu confier, par ses homologues américains et britanniques, une mission impérative: faire une proposition pour réintégrer l'Allemagne fédérale dans le concert occidental. Une réunion entre les trois gouvernements était programmée au 10 mai 1950, et la France ne pouvait pas échapper à ses responsabilités." (Groupe du PPE-DE, rédacteur, Pascal Fontaine)Franchement, vous ne trouvez pas que l’on trouve là des échos incroyables avec ce que nous traversons. Un problème fondamentalement politique dont on ne peut sortir que par le haut. La solution de Schuman fut de prendre le problème par le bas, par une solution pragmatique, économique et industrielle, ce sera la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ce qui représentait un abandon de souveraineté incroyable, dans une époque où la force industrielle faisait l’essentiel de la force des nations). Pourquoi ne pas recommencer avec les banques?
Les banques au cœur de la crise...
En décembre dernier, les dirigeants européens ont cru pouvoir leur confier la stabilité du système. La clé, c’était de leur donner les moyens d’acheter la dette des Etats en difficulté le temps de lever les obstacles institutionnels à une action commune, le temps de redonner à chacun des marges d’action. Six mois après, il faut constater l’échec de cette stratégie. Parce qu’elle est devenue une stratégie nationale. Seules les banques des pays les plus fragiles ont joué le jeu. Elles sont aujourd’hui piégées, parce que les Etats ont été incapables d’utiliser ce répit pour avancer des solutions durables. La dette espagnole explose au cœur des bilans d’établissements déjà fragilisés par leurs créances immobilières, rendant quasi inévitable le déclenchement d’un plan de secours. La conséquence c’est qu’il devenu "économiquement rationnel de retirer son argent des banques, de le mettre dans une boîte et de l’enterrer dans son jardin", dit Jean-Michel Steg, le représentant de Blackstone en France. C’est d’abord pour désamorcer la bombe d’une éventuelle fuite de capitaux massive que cette Union bancaire devient indispensable. La garantie européenne deviendrait de facto une garantie allemande. La seule qui soit solide aujourd’hui. Soixante ans après, on inverserait les termes de l’échange avec l’Allemagne, puisqu’alors c’est bien la France qui avait tendu la main à son ancien adversaire.... et donc au cœur de la solution
Mais surtout, cette Union permettrait de lancer enfin un signal institutionnel. Beaucoup de chemin, beaucoup d’échecs entre la CECA de mai 1950 et le traité de Rome. De même, l’Union bancaire n’est en rien une garantie de réussite. Mais, comme le disait Robert Schuman en 1950, elle affirmerait au monde que les pays de la zone considèrent que leur sort est indissolublement lié. Bien sûr le chantier concurrentiel et réglementaire d’une telle Union est immense, mais ni plus ni moins insurmontable que le chantier de l’époque. En 1950, le charbon et l’acier étaient les éléments essentiels de la reconstruction; en 2012, l’argent est l’élément essentiel de cette crise d’endettement.
Jean Monnet était parvenu à la conviction qu'il était illusoire de vouloir créer, d'un seul coup, un édifice institutionnel complet, sans susciter de telles résistances de la part des Etats que toute initiative aurait été vouée à l'échec. Les esprits n'étaient pas mûrs pour consentir à des transferts de souveraineté massifs, qui auraient heurté les susceptibilités nationales encore vives peu d'années après la fin de la guerre. Il fallait, pour réussir, limiter ses objectifs à des domaines précis, de grande portée psychologique, et mettre en place un mécanisme de décision en commun qui recevrait, graduellement, de nouvelles compétences. (id)
Finalement, nous en sommes là.
Ce qu'il faut retenir
Comme le charbon et l'acier en 1950, le système bancaire est aujourd'hui le cœur de la crise.
La stratégie européenne de permettre aux banques d'acheter la dette de leur Etat a échoué.
La principale menace est bien aujourd'hui celle d'un retrait massif des dépots. "Il est devenu rationnel économiquement de prendre son argent et de l'enterrer au fond du jardin."
Une forme de garantie européenne, et donc allemande, sur les dépots de l'Europe entière pourrait donner un nouvel élan.