Salauds de riches! Pourquoi la bourse flambe
Quelques éléments de réponse à une question récurrente. Pour faire mine de comprendre les records sur les marchés boursiers
L’argent coule à flots et vous n’en voyez pas la couleur. Voilà le problème. Voilà ce qui rend légitimement incompréhensible ce qui en train de se passer. Un argent massivement émis par les banques centrales, et depuis de nombreuses années.
Le pari des banques centrales est assez simple : je fais tourner la planche à billets, en espérant réveiller les investisseurs, les obliger à prendre des risques et investir dans l’économie réelle. Et oui, l’idée c’est que l’afflux d’argent 1/fait baisser la valeur (le rendement) des éléments les plus sûrs du marché, (la dette américaine, la dette allemande, par exemple, parce que tout le monde en a acheté) 2/devrait, par transfert, inciter à des investissements sur des éléments plus risqués.
Sauf que ça ne marche pas. Enfin, ça « marchouille ». Aux Etats-Unis, en achetant directement la dette de l’Etat fédéral, la banque centrale a pu le soulager un peu, mais ça ne suffit pas à éviter les coupes budgétaires automatiques. En revanche, en achetant massivement de l’immobillier (non pas les bâtiments eux-mêmes, mais les crédits) la banque centrale a pu participer à stabiliser les prix. C’est un élément fondamental pour le rétablissement de la confiance.
Et tout est là. Savoir pourquoi la politique des banques centrales marche ou ne marche pas est un débat qui n’est pas tranché depuis un siècle. En revanche, ce qui est certain, c’est que rien n’est possible sans un retour de la confiance des agents économiques.
Que faut-il faire pour retrouver cette confiance ? Autre débat considérable entre les économistes, qui nous ferait partir sur la fiscalité, les réformes, les déficits… et la politique des banques centrales (et oui, c’est le cercle vicieux, cette politique très originale peut inquiéter, aussi. C’est le paradoxe absolu, mais c’est bien la situation dans laquelle nous sommes : je m’inquiète d’une politique censée ramener la confiance)
Bref, toujours est-il qu’elle n’est pas là, la confiance. Qu’est-ce qui le prouve ? Et bien justement, le fait que l’argent des banques centrales ne va pas s’investir dans l’économie réelle. Comment voit-on cela ? De manière très simple, à travers les chiffres des instituts de statistique qui, nulle part, ne témoignent d’une reprise de l’investissement, et à travers, les chiffres de la banque centrale européenne.
Mario Draghi d’ailleurs le dit ouvertement : ça l’énerve ! Il n’en peut plus de cet argent qui revient se parquer tous les soirs dans ses coffres, alors qu’il devrait circuler, passer de mains en mains. Il réfléchit à faire payer les banques. Ça s’appelle des taux d’intérêts négatifs. Mais il sent sans doute que ça ne servira à rien. Des taux d’intérêts négatifs, vous l’avez suivi, la France en bénéficie elle-même pour sa dette publique. Ça veut dire, en clair, qu’on donne de l’argent à l’état français (un tout petit peu, pendant 6 mois, guère plus) pour qu’il garde notre argent au chaud. Voilà un signe de plus, si vous en aviez besoin, que la confiance n’est pas au rendez-vous.
Et ces dettes dont on pensait que personne n’en voudrait plus, on en rachète, encore et encore. Les rendements tombent à des niveaux historiques. « Historique » sur les marchés, ce devrait être un signal. Ça ne l’est pas.
Enfin quand même un peu. C’est là qu’arrive le marché action. Où est-ce que je peux trouver encore de quoi me rassurer se demande le banquier, l’assureur, le fond de pension ? Après tout, se répond-il, les grosses boites internationales délivrent des résultats solides, alors pourquoi pas, hein ?
Mais ce qui est magique avec les marchés, c’est qu’il n’a même pas fini de se poser la question, que d’autres ont anticipé sa réponse, et déjà fait monter les cours, dans l’idée que le banquier, assureur, fonds de pension, allaient venir s’investir, vous suivez ? Et donc le banquier, investisseurs, fond de pension se dit : oh mais les cours montent, plus de temps à perdre… et en voiture Simone, chacun avance en fonction de ce qu’il anticipe de la réaction des autres acteurs. On peut aller loin comme ça ?
Ben c’est tout le problème. Assez vite ça va ressembler à cette scène de dessin animé du coyote qui court dans le vide. Oui mais quand ?
Ben c’est tout le problème. Pour l’instant, on peut légitimement penser que ces cours ne reflètent qu’une reprise réelle aux Etats-Unis et une stabilisation réelle aussi de la situation économique en Europe. Mais on peut tout aussi légitimement penser que l’on a commencé à courir dans le vide.
Quant à l’action des banques centrales ? Là encore, les économistes peuvent vous apporter des réponses, notamment sur l’inflation. En gros, dès qu’on a des signes de reprise d’inflation, les banques centrales commenceront à fermer le robinet. Mais on en est loin. Et puis cette inflation, au Japon par exemple, la banque centrale l’appelle de ses vœux, comme un paysan les pluies de printemps. Et oui, parce que cette inflation, c’est ce qu’il faut pour inciter vraiment à investir, et surtout, à consommer (pour l’instant je n’ai aucune incitation à dépenser puisque les prix stagnent, voire baissent. S’ils se mettaient à remonter ce serait différent)
On en est là, sachant qu’il est bien orgueilleux, celui qui pense pouvoir écrire le prochain chapitre, quand on est sorti, depuis si longtemps, de l’ensemble des scénarios connus.