SNCF, Billets gratuits… la suite
Et oui, les commentaires sur cette affaire imposent des explications, et finalement d’aller plus loin, tant sur l’entreprise que sur la réforme. Miam !
Juste le contexte : la cour des comptes a jugé bon de mettre en cause le système de billets gratuits accordés par la SNCF aux cheminots et à leur famille (4 billets par an pour la famille) , mise en cause que je conteste. Ce point de vue a surpris des clients (ben oui, pour moi vous les rois, les clients). Donc j’explique.
1/ L’entreprise.
Nous savons tous ce qu’est un « package de rémunération », nous savons tous que le salaire net aujourd’hui ne couvre pas l’intégralité des revenus, et que les entreprises, dans le souci louable de réduire les coûts, multiplient les avantages annexes qui ont l’immense mérite de ne pas porter de charges sociales (je dis ça pour aller vite, le « dialogue » avec l’URSSAF est permanent et les éléments de rémunération indirects sont le fruit de combats épiques. Pour les présentateurs télé, par exemple, je crois que l’URSSAF tolère le coiffeur mais pas le pressing, à moins que ce soit le contraire, bref, vous comprenez l’idée. On doit ajouter, évidemment, une niche fiscale pour les journalistes qui permet de déduire 7650€ de son revenu imposable).
Pourquoi refusez-vous (pourquoi la cour des comptes refuse-t-elle) de considérer comme tels les billets des cheminots ? « Parce qu’ils sont payés par le contribuable » répondez-vous.
Excusez-moi, mais ça n’a pas de sens : puisqu’effectivement la SNCF est en perte (pertes très relatives d’ailleurs, les comptes de la SNCF sont eux-mêmes le fruits de savants arbitrages entre les investissements qu’elle porte, ceux qu’elle ne porte pas et, par exemple, les dividendes qu’elle verse à l’Etat) c’est la globalité du salaire qui est à la charge du contribuable. Ou pas. Tout dépend du point de vue. Pourquoi en retirer un élément ? Et qui vous dit que cet élément en nature coûte plus cher (coût marginal et quasi nul d’un billet dans un train qui roule de toutes façons) que son équivalent en salaire chargé ?
Pourquoi je vous dis ça ? Pourquoi ça m’intéresse ?
Parce que 2/ la réforme
Parce que cet avis de la cour des comptes est le symbole de ce qu’il ne faut pas faire pour réformer le pays. En gros le faire à coups de symboles vexatoires
Il est passionnant de discuter en ce moment avec les cabinets de consultants qui s’occupent de la réforme de l’Etat. Tous disent qu’il n’y a aucune raison de traiter différemment l’administration et l’entreprise privée. Et que donc, si vous voulez réformer efficacement, il faut donner une perspective, un projet, et seulement ensuite calibrer les moyens. Ne me dites pas le contraire, c’est comme ça que ça se passe dans vos boites.
Qu’est-ce qu’on donne comme perspective avec cette histoire de billet de train, qu’est-ce qu’on porte comme projet d’entreprise ? Rien ! Or, il existe le projet d’entreprise et de transformation à la SNCF, il est passionnant, il essaie d’entraîner tout le monde, et il peut faire de l’entreprise publique un géant mondial du transport de personnes (en gros, passer du gare à gare au porte à porte)
Regardez, ça n’a peut-être rien à voir, mais je viens de réaliser une itw passionnante avec les jeunes créateurs de mondocteur.fr. Leur idée c’est d’aider les médecins à gérer les rendez-vous annulés au dernier moment (28 millions de rendez-vous, chaque année, en France !) Ce serait trop long de vous raconter toute l’histoire, mais ce qui m’intéresse c’est la façon dont ils ont abordé la population médicale, sans doute encore plus rétive au changement que les cheminots de la SNCF « vous avez un problème, on se fait fort de le résoudre sans RIEN changer à vos habitudes de travail » . Et ça marche ! Parce que les nouvelles technos vous donnent tous les outils pour réformer en douceur, et qu’à ce moment-là, quand on réalise que l’on peut « changer sans changer », on adhère à fond, et que l’on devient même proactif sur la réforme
Et donc, pourquoi est-ce que cette affaire de billets de train m’a fait bondir ? Parce que c’est une réaction réactionnaire. Un point de vue du XXème siècle. On n’en est plus là.
Ça n’enlève rien à l’urgence des réformes, c’est juste (et je reprends ma conclusion) qu’on a le droit de réfléchir