La tentation de l’immobilisme. Oui… mais finalement Non
Et si le gouvernement se contentait de ne plus rien faire. L'idée est tentante.
Elle est séduisante cette tentation. Au regard notamment de ce qui s’est passé en Belgique ces dernières années. Allez, disons, que c’est une petite incarnation de rêve libéral. Un état régalien, se contentant d’assurer les taches de police, d’éducation, de respect des règles essentielles, dans un cadre européen de toutes façons déjà très contraint, mais incapable, parce qu’il n’a aucune majorité législative, de modifier la fiscalité, de réformer en profondeur. Bref, un fonctionnement administratif impeccable, mais une impuissance politique qui force à la paralysie.
Séduisant, parce que la Belgique a vécu cela pendant quasiment 4 ans (je parle d’une majorité dans l’incapacité politique de réformer) et même 18 mois sans aucune autre forme de gouvernement qu’une structure administrative, ce qu’on appelle « les affaires courantes ». Dans un article précis, l’économiste de SCOR, Jean Charles Simon, en avait tiré quelques éléments : « le gouvernement belge démontre par son absence qu'il ne sert à rien. Au moins en matière économique. Bien entendu, il y a des administrations en Belgique qui remplissent des fonctions indispensables, et un personnel politique qui assure les affaires courantes. Mais il n'y a ni projet, ni programme en cours d'application, et l'économie belge n'en subit aucune conséquence dans ses chiffres »
Et c’est vrai que ce pourrait être une tentation pour François Hollande, maintenant qu’il a patiemment défait toutes les erreurs des premières semaines du quinquennat, de la réforme de l’article 6 du projet de loi finances (le fameux article « pigeons ») au crédit d’impôt compétitivité emploi qui vient compenser bon an mal an les taxes et impôts supplémentaires de l’été dernier (plutôt mal an que bon an, d’ailleurs. La semaine dernière le patron d’une PME, ESKER, éditeur de logiciels, 40 milliions de chiffre d’affaires, donnait le compte exact : 200.000€ de taxes nouvelles, contre 80.000€ de CICE). Avec une majorité intenable, le gouvernement ne peut que repousser les offensives (amnistie sociale, licenciement boursiers) mais semble incapable d’en impulser de nouvelles en faveur de la compétitivité, son nouveau mantra (il faudrait pourtant remplacer les heures supplémentaires défiscalisées, un ballon d'oxygène que l'on a creuvé sans aucune compensation)
Cette tentation de l'immobilisme est incarnée dans ce qui est la nouvelle promesse martelée partout : stabilité fiscale pour les entreprises ! François Hollande le répète en long, en large, en travers. L'autre Grande Affaire, "le choc de simplification" est en harmonie avec cette nouvelle vision du pouvoir: un président qui ne serait plus que le garant de la stabilité et de l'efficacité administrative, donnant une fenêtre de 3 ans aux investisseurs. Hé, pourquoi pas, après tout ?
C’est pourtant une tentation que le chef de l’Etat doit écarter. Parce que la défiance est trop forte. Le monde médiatique refuse de prendre la mesure de ce qu’ont traversé les chefs d’entreprise du printemps à l’automne dernier, d’une campagne électorale qui niait leur existence, à un débat budgétaire qui en faisait des profiteurs de guerre. Je réalise tous les jours qu’ils en ont développé une méfiance considérable. En clair : plus aucune parole ne les convaincra, il leur faut des actes. Ils n’accepteront la promesse de stabilité fiscale que le jour où le gouvernement aura prouvé sa capacité à réduire la dépense publique.Un mot là-dessus. J’entends partout qu’il faut en finir avec «l’austérité », c'est le nouveau consensus de la pensée unique. C’est peut-être vrai partout en Europe, mais en France, c’est totalement nier l’importance de ce facteur de défiance. On peut légitimement penser que seule une réduction de la dépense publique permettra de relancer l’investissement. Cela paraît totalement absurde, mais c’est bien la situation dans laquelle nous sommes.
Bien plus encore, cette tentation de la paralysie ferait fi d’une dégradation considérable de la situation des entreprises ces 15 dernières années, entre le roi fainéant Chirac et les allers retours incessants de Sarkozy .
Bref, quoi qu’il en pense, quel que soit l’état de ses forces politiques, le Président ne peut s’affranchir de la réforme. Son niveau d’impopularité est tel, qu’il pourrait même comprendre que c’est sa seule planche de salut