« Entre Banque et Fintech, la coopération est plus que jamais d’actualité »
Fabrice Odent, Associé, Responsable du secteur Banque de KPMG et Mikaël Ptachek, Responsable de la practice Fintech de KPMG
Les technologies appliquées aux services financiers offrent un potentiel d’usages dont on ne mesure encore ni la portée ni les limites. Les fintechs suscitent des investissements toujours plus conséquents, pour financer leur développement ou lors de leur acquisition par des institutions financières.
La Fintech n’a pas fini d’étendre son champ d’influence : insurtech, blockchain, regtech, financements, paiements, sont parmi les métiers phares de ce secteur en effervescence. En 2017, selon l’étude Pulse of Fintech réalisée par KPMG, le montant investi dans les start-up dédiées aux services financiers s’est élevé à 31 Md$ dans le monde, pour 1 134 transactions (deals). Soit 6 Md$ de plus qu’en 2016, qui avait connu 1 076 deals. Les dix deals les plus importants ont totalisé à eux seuls 11 Md$ en 2017. Et en 2018, Ant Financial en Chine a d’ores et déjà annoncé une levée de fonds de 14 M$.
Une progression constante
Premier constat : une forte progression du montant des levées de fonds en capital risque sur l’ensemble des secteurs de la Fintech comme le paiement ou le financement, avec une poussée de métiers plus récents tels que l’insurtech (assurance, 2,1 Md$, +18,7%) ou la blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée et fonctionnant sans organe central de contrôle, 512 M$, +65%*). "L’investissement dans la Fintech est très soutenu depuis 2014, avec un pic à 47 Md$ en 2015, année atypique de méga deals en Chine, et il s’est désormais étendu à de nombreux pays", résume Mikaël Ptachek, Responsable de la practice Fintech KPMG.
* Source Blockchain France
Le ticket moyen en hausse en France
Dans ce paysage, l’Europe pèse 7,4 Md$ pour 446 deals en 2017. Et la France 318 M€ pour 64 deals (dont Tinubu Square pour 53 M€ et Younited Credit pour 40 M€), soit +85% en valeur sur un an… très loin des 5 M€ levés en 2010 pour 4 deals. Le premier trimestre 2018 suit la tendance avec déjà 21 transactions et 124 M€ de fonds levés (dont Ledger avec 61 M€). En France toujours, le ticket moyen évolue à la hausse, car la sélection s’opère à présent sur des projets plus matures : "La moyenne, qui oscillait entre 1 et 2 M€ jusqu’en 2014, atteint désormais 5 à 6 M€, avec des deals qui concernent l’ensemble des métiers de la Fintech incluant la blockchain et l’insurtech", précise Mikaël Ptachek.
Les réactions des établissements financiers
L’émergence progressive des fintechs en France depuis une décennie et l’accélération depuis 2014 soulèvent la question de leur positionnement face aux banques. "Les fintechs opèrent sur un marché réservé autrefois exclusivement aux banques et se développent sur des niches technologiques en créant des solutions agiles et innovantes, précise Fabrice Odent, Associé, Responsable du secteur Banque de KPMG. Mais les fintechs ne disposent pas d’une clientèle aussi importante que les banques, ni de réseau de distribution." De leur côté, les établissements financiers sont confrontés à des difficultés d’évolution de leurs systèmes d’information et à un niveau élevé de contraintes règlementaires. Pour faire évoluer leurs offres et améliorer l’efficacité de leur back-office, ils développent des démarches d’innovation, avec des équipes dédiées, des Labs innovation, investissent dans fonds de venture capital, réalisent des acquisitions ciblées ou en mettent en place des partenariats commerciaux avec différentes fintechs.
Des univers complémentaires
Afin de proposer de nouveaux services à leurs clients, les établissements financiers ont investi près de 500 M€ en 2017 afin d’acquérir des fintechs opérant sur des marchés où ils n’étaient pas présents : acquisition de Compte Nickel (néobanque) par BNP Paribas, de Dalenys (solutions de paiements) par BPCE, de KissKissBankBank (financement participatif) par la Banque Postale, de Credit.fr par Tikehau ou de Pumpkin (paiement simplifié) par Arkéa… Autant d’événements qui témoignent que fintechs et banques suivent des trajectoires très complémentaires.
Demain, les GAFA ?
Mais quel sera leur avenir face aux géants de la technologie, les GAFA, qui sont parvenus à développer une clientèle nombreuse et globale, grâce des offres innovantes et des technologies agiles ? La puissance financière qu’ils ont acquise pourrait permettre aux GAFA de développer des services financiers à leur importante clientèle, sur la base de nouveaux usages. Ces offres pourraient être réalisées seules ou en partenariat, à l’instar de l’annonce par Amazon du développement avec J.P.Morgan d’une solution de néobanque. On voit également les géants chinois des technologies positionner des offres de paiement avec WeChat/Tecent. Facebook Messenger a également lancé une possibilité de paiement à Londres. Et Fabrice Odent de conclure : "Nous vivons une période inédite de rupture, avec des sources technologiques d’innovation très profondes."